Thierry Bosquet

Paru dans JV28, Novembre-décembre 2011 | Texte : Julie Galand, Photos : Frédéric Raevens

L’espace d’un instant, on se croirait tombé dans un roman de Lewis Carroll : mais est-ce la maison qui s’est agrandie ou le château qui a rapetissé ?

 

Tel un décor de théâtre, la maisonnette change au fil de l’histoire, alliant réalisme et fantaisie, authenticité et toc, pour un effet trompe-l’oeil des plus naturels.

Issu d’une famille où tout le monde est artiste, d’une manière ou d’une autre, Thierry Bosquet est un peu tombé dans la marmite lorsqu’il était enfant : avec un grand-père directeur du Théâtre Royal de la Monnaie, il grandit et évolue dans les coulisses de cet univers fascinant du spectacle, auquel il finira par consacrer sa vie. Plus tard, il devient donc décorateur de théâtre, et partage une bonne partie de sa carrière entre Bruxelles, Saint-Petersbourg, New York et San Francisco.

Thierry Bosquet a été sélectionné pour les Victors 2013.


Deux entités, un projet

« J’ai acheté cette petite maison de paysan dans les années 1970. Je n’ai pas tellement touché à la structure originelle, mais vingt ans après, j’ai acquis la maison d’à côté, et ajouté une verrière pour relier les deux. à l’époque, cela ne m’a coûté qu’une croûte de pain, car c’était un taudis : pas d’électricité, ni de chauffage central, c’était encore la pleine campagne ici. La deuxième maison, une ancienne petite ferme, abritait un pigeonnier et une porcherie, à l’endroit où se trouvent aujourd’hui la chambre et la salle de bain… Il va sans dire que cela nécessitait de sérieux travaux d’assainissement ! »

Initialement aménagée de façon très moderne, la maison évolue très vite vers le style de prédilection de son propriétaire : le baroque. « J’adore l’univers des châteaux, Venise, Versailles et le baroque en général. Je n’avais pas prévu d’aménager les choses comme ça, tout s’est fait peu à peu, assez naturellement. Ma seule certitude, c’est que je ne voulais pas d’un intérieur “comme tout le monde”, avec de simples murs et des tableaux accrochés dessus. »


Décorer le quotidien

 

Inspiré du même univers, l’aménagement devient donc peu à peu un véritable décor, pour lequel l’artiste n’hésite pas à récupérer d’anciens éléments ayant servi à certaines scénographies, à la Monnaie ou ailleurs.

Ses activités et son entourage lui permettent ensuite de continuer sur sa lancée : « Un de mes amis du théâtre de la Monnaie possède une “moulothèque” qui lui permet de réaliser toutes sortes de moulages anciens. Grâce à lui, j’ai donc pu composer tout un décor à travers la maison. » Dans d’autres cas, des membres de son entourage le préviennent de certaines opportunités, comme pour les boiseries de la salle à manger : « Ces boiseries étaient accrochées au mur d’un ancien pavillon de concierge de la rue du Marais, où se trouvait à l’origine un atelier de décor de la Monnaie, dans un hôtel particulier du XVIIIe siècle. Avant de démolir le pavillon et plutôt que de les brûler, on m’a proposé de les récupérer. C’est ce qui a amorcé le changement de style de la salle à manger. »

Pour le reste, l’artiste préfère se laisser guider par son inspiration et ses affinités : « Cela m’importe peu que les choses soient ou non authentiques : je ne suis ni antiquaire, ni collectionneur, et je mêle pièces anciennes et éléments de décor sans aucun problème, car ce qui m’importe surtout, c’est l’atmosphère qui se dégage d’un lieu. Mon métier m’a évidemment beaucoup entraîné à ça. J’aime le faux, pour peu qu’il ait une âme, et qu’il participe à la mise en place de ce que j’appellerais un mensonge authentique ». En témoigne la salle à manger, où les faux stucs et vraies boiseries côtoient en toute harmonie une grande table moderne - mais inspirée du style Louis XIV - sous un ciel peint par Alexandre Obolensky, un ami peintre avec lequel il enseigne à l’institut supérieur de peinture décorative Van Der Kelen. Au coeur de la maison, le premier étage fait office de salon, bureau, bibliothèque et lieu de détente au quotidien.

Ici, ni création, ni réception, mais une pièce de vie chargée de souvenirs et d’inspiration. Devant l’immense bibliothèque, de nombreux objets évoquent l’univers de l’artiste, tel ce spectaculaire petit meuble ancien de style italien transformé au XIXe siècle et trouvé chez un brocanteur, ou encore cette maquette du grand Trianon offerte par un ami. Sur une étagère, une collection héritée de ses arrièregrands-parents attire l’attention : la totalité des numéros de la revue Illustrations, ancêtre de Paris Match, datant de 1834 à 1940. « C’est une documentation très amusante et instructive, dans laquelle j’ai puisé de nombreuses idées de décors. »

Du point de vue de l’aménagement, des éléments récupérés à la Monnaie côtoient des meubles anciens dénichés par des amis antiquaires, voire sauvés in extremis ou trouvés par hasard, telle cette authentique table de campagne de style Louis XV ou encore ce grand miroir provenant d’un hôtel particulier du quartier Léopold aujourd’hui démoli. Mais Thierry Bosquet avoue également un penchant pour les bricolages en tous genres : « J’adore fabriquer des objets totalement fantaisistes avec des matériaux inattendus comme des morceaux de verres vénitiens, des coquillages ou des coquilles de pistaches. Comme il n’y a jamais d’argent dans mon métier, on apprend à se débrouiller avec des bouts de ficelle. J’imagine que ça m’a entraîné, mais j’ai toujours adoré ça. »

Plus loin, une verrière mène à une pièce étonnante, où sont rangées et exposées des miniatures de pièces inspirées du même univers. « J’adore faire des maquettes, et je m’amuse à faire en miniature toutes les pièces dont je rêve, qui auraient pu exister, et qui ne sont pas réalisables au théâtre, non seulement parce que ce serait beaucoup trop cher, mais aussi parce que ça ne correspond plus à la mode actuelle en matière de décor. » Ici, le regard ébahi des visiteurs se promène de cabinet turc en salle de bal, de salons particuliers en chambres royales. « J’ai commencé un peu par hasard il y a 30 ans, en réalisant une chambre pour une maison de poupées de la fille de ma cousine. Et puis, ça m’a tellement amusé  j’ai continué. Ça amuse beaucoup mon entourage aussi, et on me trouve tout le temps de nouvelles choses à ajouter. »

Un loisir qui intéresse également les connaisseurs : en juin 2012, une douzaine de miniatures de Thierry Bosquet ont été exposées chez Eric Coatalem, un antiquaire du Faubourg Saint-Honoré.

 

Projets foisonnants

 

Aujourd’hui, l’artiste vient de terminer les costumes d’un ballet baroque qui se tiendra à l’abbaye de Royaumont dans le cadre d’un festival de danse, ainsi que les costumes d’une pièce d’Oscar Wilde, « Un mari Idéal », pour un théâtre de Lyon.

Mais si les costumes et décors de théâtre ont constitué la base de son activité professionnelle, il se consacre également à des projets de décoration « réelle », pour des châteaux ou des hôtels particuliers, comme c’est le cas actuellement pour la salle à manger d’un château en Allemagne. Infatigable, Thierry Bosquet affiche le dynamisme des gens qui ont fait de leur passion un métier, et force est de constater qu’il ne semble pas près de s’arrêter.

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