Mai : Concours Reine Elisabeth

Lundi 21 janvier 2013 | Texte : Julie Galand, Photos : Merel’t Hart

La passion d'une reine

C’est en 1937 que la reine Elisabeth, épouse d’Albert Ier et grand-mère du roi actuel, férue de musique et excellente violoniste, décide de créer un concours qui serve de tremplin aux jeunes musiciens de moins de 30 ans.

Les premières éditions portent alors le nom de leur instigateur, Eugène Ysaÿe, ami de la reine et célèbre violoniste, compositeur et chef d’orchestre belge.

Quelques années plus tard, la Chapelle Musicale Reine Elisabeth, une institution inspirée par le modèle russe, est fondée avec l’aide du baron Paul de Launoit afin d’améliorer les conditions de formation des jeunes musiciens belges. Aujourd’hui, des étudiants du monde entier s’y perfectionnent au piano ou violon avant de participer au concours.

Suspendu en 1938, ce dernier reprend après la guerre, en 1951, et se tiendra ensuite chaque année en mai, selon un protocole précis.

L'événement est tel qu'il est retransmis sur les chaînes de télévision belge, aux heures de grandes écoutes, ... une prouesse pour une compétition de musique classique. Chacun, à son niveau d'érudition dans le domaine, se passionne pour le parcours de tel ou tel jeune candidat et les plus chanceux vont assister en directs aux épreuves.

 

 

 


Les éliminatoires et demi-finales se déroulent au Conservatoire, dans une petite salle à l’italienne au charme défraîchi, tandis que la finale se tient au Palais des Beaux-Arts, dans la grande salle Henri le Boeuf conçue par Horta.

Quant à la Chapelle, elle accueille toujours les finalistes pour l’une des épreuves les plus redoutées : la mise en loge.

Celle-ci consiste à tenir pianistes et violonistes à l’écart de toute aide extérieure afin qu’ils apprenent seuls un concerto imposé inédit. « Cette épreuve fait souvent l’effet d’un électrochoc pour beaucoup de candidats, nous explique atricia Breeus, attachée à la direction du concours. Car beaucoup de parents de ces jeunes les suivent de très près, et si cette mise en loge permet aux premiers de respirer et de se confronter seuls aux enjeux du concours, il faut parfois recourir au service de sécurité pour empêcher les parents d’enfreindre le règlement.»

Aujourd’hui, le concours est tour à tour consacré au violon, au piano ou, depuis 1988, au chant. En 2017, le violoncelle a été introduit.

Un concours de composition biennal mené en parallèle détermine quant à lui le concerto qui sera imposé aux épreuves instrumentales.


Une autre caractéristique du Reine Elisabeth est la tradition solidement ancrée des familles d’accueil.

 

Outre le caractère plus chaleureux d’un tel type d’hébergement, celui-ci est aussi souvent le point de départ d’amitiés très durables. Chaque famille constitue souvent une sorte de « fan club » encourageant « son » candidat à chaque étape, et la plupart d’entre elles répondent présentes d’année en année, quitte à privilégier l’un ou l’autre instrument selon leurs préférences.

« C’est un rôle très prenant, insiste Patricia B. : il faut véhiculer les candidats, les nourrir, les loger, les soutenir, et parfois les ramasser à la petite cuillère… ».

Enfin, à la source de chaque édition, une équipe très dévouée de sept personnes travaille en coulisses sous la houlette d’un secrétaire général, Michel-Etienne Van Neste, et d’un président, le comte Jean-Pierre de Launoit.

Relayées intégralement par la RTBF depuis de nombreuses années, les épreuves finales sont suivies par des milliers de foyers, au-delà des cercles d’ordinaire plus restreints de mélomanes avertis.

Quant à la famille royale, elle reste très investie dans cet événement, la reine Fabiola étant devenue une habituée des épreuves, à la suite de la reine Elisabeth, puis Mathilde aujourd'hui.

 


Tous les 3 ans, le chant est à l’honneur. La première sélection, par DVD, rassemble environ 189 candidats d'une vingtaine de nationalités différentes.

Chaque année, les organisateurs s’efforcent de réunir un jury prestigieux présentant des profils suffisamment variés ainsi qu’une vision large et ouverte du métier. Cette fois, à côté d’un pianiste et d’un directeur d’opéra, il était aussi important de trouver un chanteur de chaque répertoire et tessiture, ces éléments pouvant influencer leur sensibilité. Le jury des sessions de chant est donc beaucoup plus nombreux.

Les règles du concours sont revues chaque année en fonction des opinions des membres du jury, précédents et actuels.

Pour la finale, accompagnée par l’orchestre symphonique de la Monnaie, ils pouvaient composer leurs programmes au départ d’une liste d’airs établie. À l’objectif évident de tester les candidats sur plusieurs langues et styles, s’ajoute donc celui de juger de leur aptitude à proposer un programme complet, varié et équilibré.

Voir notre article sur le palmarès de l'édition 2014 du chant.

Le chant, la plus subjective des catégories ?

 

Les polémiques qui entourent les résultats du concours sont une tradition aussi vieille que ce dernier, et les contestations du public et de la presse sont légion. 2011 ne fit pas exception, l’intensité des applaudissements du public allant du minimum syndical au tonnerre accompagné de hurlements, et ce sans lien parfois avec le classement officiel. Que penser par exemple du cas de Clémentine, classée sixième, lorsqu’on voit ensuite plusieurs membres de l’orchestre de la Monnaie venir la féliciter tour à tour en ajoutant que pour tous, elle aurait dû se trouver parmi les trois premiers ? Le lendemain, La Libre Belgique titre : « Un palmarès aberrant », et l’on ne peut s’empêcher de penser aux fameuses statistiques de 1996 révélant que les candidats qui passent le premier jour ont moins de chances de finir bien classé.

Plusieurs autres interrogations surgissent encore : comment juger des tessitures différentes, alors que certaines sont connues pour arriver à maturité à un âge plus avancé ? Comment évaluer des candidats ayant des parcours si différents, certains sortant à peine du conservatoire alors que d’autres ont plusieurs années d’expérience derrière eux ?

En résumé, comment s’opère le choix du jury ? « Il n’y a pas de grille d’évaluation prédéfinie, nous explique Nicolas Dernoncourt. Chacun note les candidats à la fin des épreuves, mais il n’y a aucune délibération. Chaque membre du jury possède donc ses propres critères, mais ceux-ci peuvent se résumer en un seul : est-ce que cette personne est prête à entrer dans une carrière internationale ? En effet, gagner un tel concours exige une certaine maturité : il faut pouvoir gérer la suite, les propositions de contrats, etc. ».

Mais quel critère l’emporte in fine, lorsqu’il devient évident que plusieurs finalistes sont déjà prêts à une carrière internationale, s’ils ne l’ont pas déjà commencée ? Si le secrétaire général Michel-étienne Van Neste reconnaît que le chant reste une discipline soumise à une grande subjectivité, et qu’un autre jury aurait pu aboutir à un résultat différent, Nicolas Dernoncourt confirme : « Il est certain que le jury ne constitue finalement jamais qu’une somme de subjectivités tendant vers l’objectivité. À mes yeux, du début à la fin, le palmarès a peu d’importance : c’est un domaine où il n’y a pas vraiment de meilleurs.

L’aspect "concours" facilite surtout la visibilité des candidats et attise l’intérêt du public. Et puis, il faut faire un tri à un moment, car il est impossible de recevoir 180 candidats au Palais des Beaux-Arts. Par contre, dès le stade de la demifinale, ce n’est pas le fait d’être premier ou deuxième qui fait qu’on est bon. Et les professionnels ne s’y trompent pas : dès les premières épreuves, des agents approchent des candidats éliminés. »


Site : cmireb.be

 

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