Un talent nommé Massant

Paru dans JV15, Octobre-novembre 2009 | Texte : Viviane Eeman, Photos : Nicolas Tosi

Dans un immense atelier de Ghislengien, un artisan hors du commun réédite des sièges, fauteuils et bergères du XVIIIe au XXe siècle. Un travail minutieux et amoureux, qui transforme chaque siège en témoin unique de l’histoire. Ce savoir-faire s’exporte désormais à travers le monde.

« Le siège n’a rien d’un meuble. Pour moi, c’est un objet. Il représente l’aspect esthétique de chaque période de l’histoire. Il en est le résumé. »

 

Thierry Massant, un passionné

 

Le déclic, il l’a eu très jeune. Lorsqu’un de ses professeurs de secondaire, désireux d’apprendre à ses élèves l’évolution des styles, décide de baser son enseignement sur l’histoire des sièges. Illico, le jeune Thierry est captivé.

Devenu plus tard historien d’art, il suivra aussi des cours d’ébénisterie et exercera quelque temps comme antiquaire. Le début d’une aventure inouïe dont l’aboutissement est ce bâtiment de 2000 m2 qui conjugue les couleurs chaudes et l’aluminium, au coeur de la zone industrielle de Ghislenghien.

Résolument contemporain, cet espace abrite depuis 2001 les ateliers Massant, largement ouverts sur la campagne environnante, ainsi que ses bureaux et des stocks volumineux qui permettent de répondre dans un délai de 8 à 10 semaines aux demandes. Sans compter la salle d’exposition où l'on trouve en majorité des sièges, chaises et fauteuils, mais aussi des canapés, consoles, lits, un parement de cheminée en bois sculpté et même une petite niche XVIIIe des plus douillettes !

 


Des rééditions coups de coeur

 

La difficulté de trouver de grandes séries de sièges d’époque en bon état est même à l’origine de son métier actuel. Mais, comme lorsqu’il était antiquaire à deux pas du Cinquantenaire, Thierry Massant fonctionne toujours au coup de coeur pour choisir les modèles qu’il va éditer.

« Pour chaque pièce – il y en a près d’une centaine dans la collection ! – il a fallu que je ressente une émotion. Je travaille avec Dominique Malcor, membre de l’Union française des experts spécialisés en oeuvres d’art, passionné de sièges et qui a oeuvré pour les plus grands restaurateurs à Paris. Lui a son regard très français et j’ai mon regard - on va dire belge -, ce qui apporte un remarquable dynamisme. »

Qu’il soit suédois, italien, anglais, portugais ou – le plus souvent – français, oeuvre d’un ébéniste comme Boulard, Nogaret ou Jacob, chaque siège choisi résulte avant tout de rencontres. De celles qui lui ont permis d’exploiter certains modèles de la Comédie française ou de découvrir des raretés, tels ces trois précieux exemplaires (chaise, cabriolet et bergère), de style Transition.

 

La pièce la plus extraordinaire ?

 

Un fauteuil vénitien d’Andrea Brustolon qui, de la recherche de documents à la sculpture en ronde bosse confiée à Patrick Blanchard, a nécessité des prouesses pour être réédité.

 

Les sièges les plus demandés ?

 

Quant aux sièges les plus demandés, ce sont de confortables bergères et des chaises de salle à manger, cannées ou garnies, Louis XV et Louis XVI.

 

Une collection diversifiée

 

Une collection assez diversifiée malgré un bémol pour les pièces du début XXe, point faible de l’entreprise malgré un récent changement. « Rééditer des sièges m’intéresse non en raison de la forte demande, mais parce que j’aime sortir des éléments qui n’ont pas été signés et qui ont une justesse comme cette chaise qui aurait pu être une Ruhlmann », souligne Thierry Massant.

Une fois le modèle trouvé, un étalon est produit qui reprend toutes les qualités et les défauts du siège sans les corriger, sans tricherie. « Il y a le respect du créateur de l’époque ainsi que de l’évolution du siège à travers le temps. C’est pour ça que je parle de réédition et non de copie. La copie se permet de transformer. J’ai eu un cabriolet Louis XV dont le pied était parti en vrille. J’ai laissé cette vrille. Si elle m’avait perturbé, je n’aurais pas pris le siège. »

 

La collection outdoor

 

Parce que le mobilier extérieur est le plus souvent design, Thierry Massant et Dominique Malcor, après de nombreuses recherches historiques, ont créé ensemble, pour ceux dont le rêve est de pouvoir sortir le salon Louis XVI ou Empire, une nouvelle collection de jardin, fidèle aux proportions et à l’esprit de ces époques.


L'exigence n’exclut pas une certaine prise de liberté.

 

Exposés depuis 1996 en calicot blanc – une sobrité qui permettait de percevoir leur structure –, les sièges se sont dernièrement habillés. Ou du moins quelques-uns, proposés chaque année au salon Maison et Objet à Paris.

Persuadé qu’on peut « allier la créativité et le respect de l’âme du siège », Thierry Massant a demandé le concours de la créatrice textile Christine Hermans. Avec une pointe de modernité, celle-ci les a revêtus de lin clair parcouru par « une sorte d’écriture » et, dans la foulée, a revisité à sa façon quelques modèles des années 50.

 

Fabrication à l'ancienne

 

Les sièges sont tous fabriqués comme jadis, dans le respect des proportions et techniques anciennes. Ils sont assemblés avec des tenons et des mortaises et les sculptures sont toujours exécutées à la main. On peut donc y deviner quelques irrégularités, décelables au toucher et à la lumière. « Pour moi, explique Thierry Massant, c’est ce qui donne la vie et c’est ce qui fait vraiment référence au passé. » Viennent ensuite les différentes étapes de patine. Les finitions laques, les cirées autour du bois naturel et les polies pour les sièges Art déco avec un finissage au tampon. Il y a également la dorure d’antan, à la détrempe (à l’eau) ou à la mixtion (à l’huile).

« L’idée est de donner l’impression que le siège a vécu 150 ans. Ayant fait de la restauration moi-même, j’ai une certaine sensibilité, ce qui est très important. » Au total, une trentaine de finitions sont proposées. Et le service va plus loin. À partir d’un tissu choisi par le client, la firme adapte une patine. Même soin pour le garnissage, que l’on choisit traditionnel ou standard, avec sangle et mousse. Quant aux artisans, Jean-Claude, Benjamin, Maryse et Philippe, ils viennent pour la plupart de Saint-Luc à Tournai. Le siège qui sort des ateliers, c’est un peu leur oeuvre à eux.

 

Une touche de modernité

 

Exposés depuis 1996 en calicot blanc – une sobrité qui permettait de percevoir leur structure –, les sièges se sont dernièrement habillés. Ou du moins quelques-uns, proposés chaque année au salon Maison et Objet à Paris.

Persuadé qu’on peut « allier la créativité et le respect de l’âme du siège », Thierry Massant a demandé le concours de la créatrice textile Christine Hermans. Avec une pointe de modernité, celle-ci les a revêtus de lin clair parcouru par « une sorte d’écriture » et, dans la foulée, a revisité à sa façon quelques modèles des années 50.

 

Une volonté d’excellence reconnue

 

« Je me suis vite rendu compte que certains antiquaires achetaient mes sièges et j’ai su que des séries entières se retrouvaient en vente publique. »

Depuis, Thierry Massant marque ses pièces, mais pas à son nom. Il rappelle avec modestie qu’il n’est pas créateur. En revanche, parmi ses lettres, il va prendre le N et comme un certain Nadal (Maître de la Jurande) qui estampillait à l’envers et frappera désormais ces rééditions d’un N à l’envers. Remarquablement discret, celui-ci est souvent placé dans la ceinture en dessous du garnissage.

Massant s’exporte plutôt bien à travers l’Europe, le Moyen-Orient, l’Amérique, l’Asie. La firme a signé les sièges de nombreuses célébrités et fourni des endroits prestigieux.

Dire qu’il y a 12 ans seulement, Thierry Massant commençait dans une cave avec un seul leitmotiv : la qualité et le service. 


Thierry Massant


2 rue de la Villa Romaine,
Zoning de Ghislenghien
7822 Ghislenghien
Tél : +32 68 45 65 45
Site : massant.com
Salle d’expo ouverte aux particuliers accompagnés d’un décorateur.

Liste des agents sur le site internet.

 

 

 

 

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