Les Marolles

Paru dans JV48 - Avril-Mai 2015 | Texte : Marie Delloye, Photos : Corentin Van Den Branden

Jacques Brel ne pourrait pas mieux le décrire, le « temps où Bruxelles Brusselait » est toujours présent dans le quartier qui contient la rue Haute, la rue Blaes, et la rue des Tanneurs. Situé juste en dessous du Palais de Justice et des Sablons, les Marolles touchent la Porte de Halle et Saint-Gilles au sud, et la gare du Midi à l’ouest. Si le quartier des Marolles n’a aucune existence administrative dans la ville, il fonctionne néanmoins comme un village dans la ville, preuve en est, les noms de rues écrits aussi en dialecte marollien ! C’est qu’ici, on a toujours voulu vivre en toute liberté… Dès les origines du quartier, au XIIIe siècle, il réunit une population très pauvre tenue à l’écart de la première enceinte de Bruxelles et de ses bourgeois. Au XVIe siècle, la rue Haute commence à attirer les notables qui y font construire des grands hôtels de maître. Juste à côté, la rue des Minimes est le quartier des prostituées auxquelles l’accès à la rue Haute sera interdit la nuit… C’est d’ailleurs à une congrégation des Sœurs Apostolines qui venaient en aide aux prostituées durant le XVIIe siècle que l’on doit l’origine du terme « Marolles ». En effet, ces sœurs portaient le surnom de « Mariam Colentes » ou « celles qui honorent la Vierge Marie ». Ce surnom évoluera ensuite en « Maricolles » puis « Marolles »… Au fil de l’évolution de Bruxelles, les Marolles deviennent un lieu de passage pour les commerçants, tisserands, paysans, qui veulent entrer dans la ville. Un vrai « melting pot » de cultures qui forme le dialecte marollien, créant à travers tout ce monde amassé aux abords de la ville, une certaine identité qui sera à plusieurs reprises revendiquée avec force, jusqu’à aujourd’hui encore, avec le refus catégorique du projet de la Ville de Bruxelles de créer un parking sous terrain en dessous de la place du Jeu de Balle !

Ah cette place du Jeu de Balle… Mais qu’est-ce exactement ? Nichée au bout de la rue Blaes, elle rassemble tous les matins, depuis 1873, brocanteurs et amateurs de mobilier et objets, pour des longues négociations, des conversations animées qui se prolongent ensuite dans tous les cafés qui entourent la place. Une véritable institution, qui attire aujourd’hui, pendant les week-ends, toutes les couches sociales de la ville et d’ailleurs. On y apprécie cette ambiance si particulière, bon enfant et populaire, qui s’étend jusque dans les rues avoisinantes ! Le succès de la place aidant, de nombreuses boutiques de déco et d’antiquaires se sont installées dans les rues Blaes et Haute, attirant encore plus les bobos et BCBG qui y dénichent des trouvailles anciennes, et d’autres de première main, jusqu’au mobilier de bois sur mesure à l’Atelier en Ville, ou aux tapis réputés de Didden&Co… Mais il n’y a pas que de la déco dans le quartier, les petits restos branchés pullulent, ainsi que quelques très bonnes boîtes de nuit et bars comme le Bazaar et le Barrio, sans oublier Recyclart et le Fuse… Cette énorme variété d’offre et de prix fait aujourd’hui toute l’identité du quartier.

Entre lofts et logements sociaux

À la fois populaire mais chic par endroits, parsemé de boutiques déco et de brocanteurs-antiquaires, le quartier des Marolles est habité par une grande variété de population, et c’est bien cela que les bobos apprécient… Jusqu’à venir y installer leurs lofts ! C’est le cas de certains entrepreneurs bien inspirés qui ont racheté les anciennes tanneries abandonnées dans la rue des Tanneurs et qui, au fil d’énormes travaux, les ont transformées en lofts insoupçonnables, donnant sur des jardins intérieurs, protégés du bruit de la rue et loués à des familles ou couples d’artistes reconnus ou d’autres « aventuriers » modernes qui adorent ce quartier vibrant d’animation et avec une vraie identité. Livio Devos, agent immobilier attaché à l’agence Universal Marolles explique : « C’est un des quartiers les plus mixtes de Bruxelles, car aujourd’hui on peut y trouver des lofts de 270m2 juste en face des quartiers de logements sociaux… Dans les rues Haute et Blaes, on trouve des maisons mitoyennes transformées en appartements qui varient entre 40 et 100m2 et dont les prix ont beaucoup augmenté à cause de l’arrivée d’un certain public plus fortuné. Par exemple, un appartement de 80m2 est loué pour 950 euros hors charges, ce qui équivaut à d’autres quartiers de Bruxelles comme le cimetière d’Ixelles ou la Bascule près de Uccle… Ici, il y a de plus en plus de demande mais l’offre reste très limitée, et on ne parle même pas des lofts, qui eux sont loués avant même d’être terminés !

Par exemple, un loft de 140m2 est loué pour 1.200 euros par mois… Et il y en a d’autres de 250 m2 avec une grande terrasse qui sont loués à 2.000 euros par mois… Pour le reste des habitations autour de la place du Jeu de Balle, il faut savoir que la Ville de Bruxelles a donné des subsides aux propriétaires pour qu’ils rénovent leurs maisons et les louent à un prix raisonnable à des personnes aux revenus plus limités… Donc il y a une vraie mixité sociale ici, qu’il faut préserver. Si les boutiques et restos branchés s’installent aussi dans le quartier et attirent une clientèle privilégiée, les beaux foyers de la Cité Hellemans (1915) sont préservés et la place du Jeu de Balle, le véritable cœur du quartier, reflète toujours et encore cet esprit si unique. »

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