Les pratiques de santé qui n'existent pas en France

Lundi 18 juin 2012 | Texte : Franceline Beretti

 

On peut avoir recours en Belgique à des pratiques médicales non accessibles en France ou accessibles mais de façon très restrictive. Ainsi, la fécondation in vitro en Belgique n'est pas réservée aux couples mariés et le nombre de tentatives autorisé est plus élevé qu'en France. De même l'euthanasie, en débat permanent dans l'hexagone, est reconnue depuis 2002 en Belgique.

D'une manière générale, les Belges accueillent avec intérêt des méthodes qui attirent la suspicion en France, comme les médecines alternatives ou la prise en charge non médicalisée des déficients mentaux.

 

D'ailleurs, les Français, nombreux à fréquenter la Belgique pour des raisons de santé, ne s'y trompent pas.

 

 


 

Les FIV

La législation concernant l’insémination artificielle ou la fécondation in vitro est moins restrictive ici. Alors qu’en France, on ne les pratique que pour des couples mariés depuis au moins deux ans, les médecins belges peuvent les pratiquer pour des femmes célibataires ou en couple avec une autre femme. Autre différence : en France, vous avez le droit à 4 tentatives remboursées par la sécurité sociale pour une FIV, alors que l’INAMI prend 6 tentatives en charge.

La limite d’âge est de 43 ans dans les deux pays. Le temps d’attente pour un rendez-vous varie selon votre situation (si vous êtes proche de la limite d’âge, vous pouvez être pris en charge très vite). Vous devrez venir au moins trois fois en Belgique : une fois pour le rendez-vous général avec le médecin, une deuxième fois pour l’anesthésie générale et le prélèvement d’ovocytes, une troisième fois pour l’implantation. Ensuite, selon le succès ou pas de l’opération, vous serez amenée à revenir en Belgique pour de nouvelles implantations. Une insémination artificielle coûte environ 350 €, une FIV 2.800 € à la première tentative, puis le tarif est dégressif pour les suivantes. Dans certains cas, on vous demandera de venir avec un donneur de sperme, comme l´explique le Dr Naett, médecin gynécologue à la clinique Édith Cavell : « les établissements belges ont de plus en plus de mal à trouver des donneurs locaux. On demande alors aux patientes d’en trouver un elles-mêmes. Ce n’est pas lui qui va faire le don, car l’anonymat est garanti, mais il pourra servir à d’autres femmes. Dans ce cas, le temps que les examens soient faits pour valider le don, la femme peut attendre 6 mois pour entamer le traitement hormonal ». De nombreux établissements pratiquent des FIV en Belgique : Erasme, Saint Luc, Saint Pierre, Edith Cavell… Ils sont habitués à accueillir des patientes françaises (20 à 25 % de la clientèle du Dr Naett vient de France).


Le don d’organe

 

Si vous êtes Belges ou domiciliés en Belgique depuis au moins 6 mois (à partir de votre inscription au registre des étrangers), la loi autorise le prélèvement d´organe après votre mort, sauf si vous avez fait part de votre opposition de votre vivant, ou si votre famille proche (parents, enfants ou conjoint) s´y oppose. Si vous ne voulez pas que l´on prélève sur votre corps des organes ou des tissus, vous devez remplir un formulaire à transmettre à votre commune dans lequel votre choix est explicite. Pour protéger vos proches de toute prise de décision, vous pouvez aussi faire part de votre volonté de donner vos organes après votre mort sur un document à remettre à la commune.


L’euthanasie

 

En Belgique, l´euthanasie est reconnue comme une possibilité pour chaque malade depuis 2002. 

On peut exprimer ses intentions en terme de fin de vie en remplissant une « déclaration anticipée de volonté ». Dans cette déclaration, le patient exprime clairement ses choix pour le cas où il ne serait plus conscient (s´il est dans le coma, par exemple). En dehors de cette déclaration, une euthanasie peut être pratiquée pour un patient qui demande expressément à mourir, « de manière répétée et sereine ». Il doit souffrir d´une maladie incurable, avec des souffrances physiques ou psychiques graves, et ne pas subir de pression extérieure. La mort ne doit pas obligatoirement être imminente. 

Pour bénéficier de cette différence de législation, il faut être suivi par un médecin belge : la loi ne mentionne aucune obligation de résidence. D´après Philippe Lohéac, délégué général de l´ADMD France (association pour le droit de mourir dans la dignité), certains Français du nord de la France se renseignent sur le processus à suivre pour pouvoir bénéficier de cette aide à mourir le moment venu. « Mais il faut être très fort intellectuellement pour faire cette démarche, précise-t-il. Partir de chez soi, s´éloigner de ses proches pour mourir n´est pas simple. De notre coté, nous n´encourageons pas forcément les gens à aller en Belgique : nous ne voulons pas lui donner cette réputation sulfureuse comme peut l´avoir, de manière injuste d´ailleurs, la Suisse.» La loi belge exige de toute façon une relation étroite entre le médecin et son patient : il n´y a donc pas de possibilité de venir en Belgique pour mourir sans l´avoir préparé et sans avoir entretenu des rapports réguliers et sur la longue durée avec son médecin.

 

Le rapport à la mort en Belgique et en France

Comment expliquer que depuis presque 10 ans, la Belgique autorise l´euthanasie, alors qu´en France il y a toujours un refus de légiférer sur la question ?

Pour Jacqueline Herremans, présidente de l´ADMD Belgique, le statut du médecin joue beaucoup dans cette différence. « Aux Pays-Bas, avant même l´autorisation de l´euthanasie, les médecins plaidaient pour une loi allant dans ce sens. Quand le débat a eu lieu en Belgique, l´Ordre des médecins a été attentiste et ne s´est pas vraiment prononcé. En France, il est clairement contre. En fait, les médecins français sont encore dans la position de ceux qui savent mieux que tout le monde et mieux que le patient lui-même ce qui est bon pour lui ! ». Jacqueline Herremans pense aussi que l´influence des Catholiques est, contrairement à ce que l´on pourrait penser, plus forte en France sur le dossier. « On va inviter tel évêque dans les débats juste pour avoir son point de vue, en tant que catholique. Mais en quoi est-ce pertinent ? D´ailleurs, la communauté catholique est divisée sur le sujet, tout comme la société dans son ensemble. »

 

 


Les médecines alternatives: une ouverture d´esprit à la belge ?

Ostéopathie, bio-énergie, acupuncture, kinésiologie… Ces différentes pratiques de «mieux-être » inspirent souvent la méfiance dans l´Hexagone. Pourtant, près de 40% des Belges ont déjà eu recours à ces méthodes alternatives L´effet d’une moindre réglementation de la médecine ? Ou d´une plus grande distance par rapport au corps médical établi ?

La kinésiologie est une de ces techniques de mieux-être très décriée en France, mais mieux perçue ici. Elle recouvre plusieurs approches, notamment celle de la médecine chinoise. L´idée à la base de cette pratique est que le corps a une mémoire et qu´il emmagasine les émotions, les chocs psychologiques. Selon ce principe, il est donc possible, à travers un travail corporel, d´avoir accès à toutes les informations que le corps a imprimé, et d´agir sur elles. « Il n´est pas nécessaire de tout comprendre pour aller mieux, explique Valérie Keymolen, une kinésiologue qui exerce depuis quelques années. Grâce au bio-feed-back, on peut changer notre programmation sans forcément parler de la mort de sa grand-mère, ressasser indéfiniment ce qui a été douloureux… C´est moins long et moins difficile que la psychanalyse pour retrouver un équilibre.» Laure, une Française de 40 ans qui vit à Bruxelles depuis six ans, est venue pour ces raisons à la kinésiologie : « c´est le changement dans la douceur. Quand on travaille sur l´inconscient ou sur le corps, à l´inverse, les réactions peuvent être douloureuses. Alors que quand je sors d´une séance de kinésio, je me sens toujours bien.»


L’accompagnement des personnes âgées

 

Selon le rapport de l’ex-députée française Cécile Gallez, en 2005, il y avait 1.575 retraités français en Belgique, dont 80% originaires du département du Nord. Selon ce rapport, les structures belges sont dans l’ensemble plus petites (elles accueillent en moyenne 46 personnes, contre 60 en France), plus médicalisées, plus encadrées et plus souples. En France, il y a un peu plus de huit places en maison de retraite pour 1.000 habitants, contre près de 14 en Wallonie.

 

En plus des places disponibles, la Belgique possède un autre avantage, puisqu’il est possible de passer d’une maison de repos à une maison de soins médicalisée : la personne âgée n’est pas obligée de changer de structure si son état s’aggrave. Enfin, du point de vue financier, la situation belge peut paraître attractive vue de France : une personne âgée en Wallonie paie environ 38 euros par jour (entre 1.100 et 1.200 euros chaque mois), de sa poche, pour être en maison de repos. En France, cette somme est d’environ 59 euros par jour (soit 1770 euros par mois). L’INAMI prend en charge environ 30 euros par jour (les retraités français habitant en Belgique peuvent se faire rembourser par la CPAM de Tourcoing). Ceci-dit, les personnes aux revenus modestes n’ont pas vraiment intérêt à passer leur retraite en Belgique : au bout de trois mois, les résidents français des maisons de repos belges sont imposés selon le système national, beaucoup moins avantageux pour les petits revenus. Une personne qui aurait un revenu de 13.500 euros par an devrait 1.890 euros par an au fisc français, contre 2.800 euros chaque année au fisc belge. D’autre part, certains médicaments sont moins bien remboursés par l’INAMI que par la sécurité sociale française.

 

 


La prise en charge des déficients mentaux

 

Il y aurait environ 3.500 adultes handicapés mentaux français en Belgique, et environ 3.000 enfants. Contrairement à ce qui se passe pour les personnes âgées, qui sont essentiellement originaires des départements limitrophes, de nombreux Français placent leur proche handicapé en Belgique alors qu´ils sont très éloignés géographiquement, faute de structures disponibles chez eux. La moitié des départements français fait appel à des établissements belges pour placer les déficients mentaux (c’est le Conseil Général qui finance le placement). Ici, l’accueil n’est pas segmenté selon les catégories de handicaps : il n’y a aucun problème à placer ensemble des personnes trisomiques et schizophrènes, même si leur profil mental n’est pas comparable. Ce qui compte, c’est leur degré d’autonomie, qui est calculé avec une échelle spécifique, l’EBCA (échelle belge de comportement adaptif). Elle permet d’évaluer très précisément l’autonomie d’une personne, à travers 300 questions du type « est-ce que la personne sait tenir sa fourchette seule ? Se lave-t-elle les dents seule ? Réclame-t-elle sa toilette si on ne la fait pas ? ». Ensuite, les groupes sont créés en fonction des possibilités de chacun.

 

Le Carrosse : une entreprise spécialisée dans l’accueil des déficients mentaux français

Cette entreprise gère 9 centres d’accueils, répartis dans toute la Wallonie. Elle compte plus de 250 pensionnaires. «Il faut remettre cet échange dans son contexte historique, précise d’emblée Benoît Duplat, directeur du Carrosse. Avec la séparation de l’Église et de l’État, de nombreuses congrégations se sont réfugiées en Belgique, près de la frontière. Or, traditionnellement, ce sont elles qui s’occupaient des handicapés. » Le phénomène n’est donc pas nouveau.

Mais Benoît Duplat pointe aussi la spécificité des méthodes belges : « Chez nous, on ne parle pas de “malades mentaux“, mais de “déficients mentaux“. Ça n’est pas un détail : nous n’essayons pas de les “soigner“, on s’adapte à une structure mentale différente. En France, nos pensionnaires seraient pris en charge par des infirmiers, des psychiatres, alors qu’ici, les éducateurs forment 63% du personnel. »

Ce personnel travaille autour de quatre pôles :

- pédagogique (les résidents apprennent par exemple à se laver les dents, à faire de la poterie, du calcul… Ils ont parfois besoin de plusieurs années pour le faire, mais cela constitue un réel progrès pour eux),

- sportif (une trentaine d’entre eux participent aux Special Olympics chaque année),

-  paramédical (soins médicaux, pyramide alimentaire, bien-être en général),

- récréationnel (les résidents font des sorties dans le village, dans les bois…).

Le Carrosse propose aussi des retours dans les familles huit fois par an. Ces retours sont gratuits, mais seulement 20% des résidents en profitent. Benoît Duplat y voit un des problèmes de l’éloignement : « certaines personnes handicapées viennent de Nantes, ou de Marseille. C’est très loin, et cette distance complique les échanges. »

Alors comment expliquer que 100 % des résidents du Carrosse soient Français, et qu’il n’y ait aucun Belge? « Au moment de la création du centre, un moratoire a été fixé chez nous sur le nombre de places pour déficients mentaux. Nous proposions donc une offre de places en plus, alors même que l’Etat ne les subventionnait plus. Nous nous sommes alors tournés vers la France. Désormais, nous sommes financés uniquement par les Conseils Généraux et la sécurité sociale.»

 Le Carrosse, 63 chaussée du Roeulx, 7000 Mons, tél : 065 35 63 57

 

 

 

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