"Huan Ying*" à Canton !

Paru dans JV32, septembre 2012 | Texte : Aurélie Koch

« La Chine est un monde passionnant de paradoxes »


Elisabeth de La Giroday, son mari Nicolas et leurs cinq enfants, Alix (11 ans), Chloé (9 ans ½), Oriane (8 ans), Eléonore (5 ans ½) et Oscar (3 ans) vivent en Chine, à Canton. 7 Français parmi 1 milliard 300 millions de Chinois…

« Nous sommes arrivés en République populaire de Chine il y a bientôt quatre ans. Nous venions de Taipei, au Nord de Taiwan, une île qui, même si elle fait partie de la Chine, est plutôt dissidente et ne veut pas faire partie de la « Grande Chine. Du coup, la vie à Taipei et à Canton est très différente. Canton ne ressemble à rien de ce que nous avons vécu auparavant."

Elisabeth raconte leur parcours avant la Chine et leur vie à Canton.

Notre carnet pratique pour ceux qui envisagent une expatriation à Canton,


D'un pays l'autre

 

Nous sommes expatriés depuis 2000. Nicolas, mon mari, bossait chez Procter & Gamble depuis quelques années, et il voulait voyager absolument.

C’est évidemment une entreprise suffisamment grande pour permettre d’aller dans le monde entier, mais encore faut-il que le profil recherché pour une expatriation corresponde au vôtre !

 

Istanbul

 

Quand, en 2000, on lui a proposé de partir à Istanbul, nous avons dit oui avec enthousiasme. Nous venions de nous marier, on avait envie de bouger.

Pour moi, c’était aussi l’occasion de m’arrêter un peu (je travaillais aussi chez Procter, dans un autre département), et… de faire un bébé. Nous en avons cinq aujourd’hui, mais la première, Alix, qui a maintenant 11 ans, est née durant les deux années où nous étions à Istanbul. Je n’ai pas travaillé là-bas, mais j’avoue qu’après deux années de petits cafés entre expats, j’avais très envie de recommencer.Lorsque nous avons bougé au bout de deux ans, j’avais décidé de reprendre le boulot.

 

Varsovie

 

Nous sommes partis à Varsovie, et nous y sommes restés 5 ans. C’était un peu un choc, genre passer de la télé couleur à la télé en noir et blanc, mais j’ai quand même aimé cette ville et les Polonais. Varsovie est très surprenante, il y a une vie parallèle que les touristes ne voient pas. J’ai repris un poste chez P&G, entrecoupé de congés de maternités, puisque j’ai accouché de mes trois filles cadettes en vivant à Varsovie : Chloé, Oriane, Eleonore. Professionnellement, j’ai évolué à mon rythme, pas toujours exactement au poste que j’aurais voulu, mais avec une souplesse suffisante pour adapter mes horaires, m’occuper de nos enfants, suivre l’intendance de la maison puisque mon mari voyage énormément.

 

Taiwan

 

Avec nos quatre filles, nous avons ensuite été dirigés vers Taipei, à Taiwan. La quatrième, Eléonore, avait alors deux mois. Je suis restée en congé parental un an, pour gérer les 4 filles, et aussi pour trouver mes marques dans une culture qui devenait très opaque pour moi.

Après un an, j’ai repris mon poste… et quinze jours après, je me suis rendue compte que j’étais à nouveau enceinte. C’était la catastrophe ! D’abord parce que ce n’était pas du tout prévu, ensuite parce que je me suis dit que j’allais devenir le pire cauchemar de mon employeur. Mais une fois de plus, ils ont été très cool, même si honnêtement, c’était un peu difficile à annoncer… On a mis neuf mois à digérer le fait d’avoir un cinquième enfant, mais aujourd’hui nous sommes ravis, et en plus… c’était un garçon ! Un petit Oscar après quatre filles, sans doute pour se faire pardonner cette drôle de blague !


Aujourd'hui à Canton

 

L’arrivée à Canton, en revanche, a été plutôt rude.

 

J’ai mis un an à m’y faire, je l’avoue. Ça a été mon installation la plus compliquée. A Taipei, c’est la pollution qui était gênante, mais pour le reste, tout était assez fluide.

Canton, c’est autre chose, tous les repères explosent. Les Cantonais sont assez bruts de décoffrage, ils font des tas de bruits de bouche, ils ne sont pas très polissés, on sent très vite qu’il faut se battre pour tout.

Pourtant, il y a un staff chez P&G qui s’occupe de votre installation, qui vous guide dans les inscriptions, etc… et je sais que pour les Français qui travaillent dans des boîtes n’offrant pas ces services, ou qui viennent individuellement ici, l’inscription dans une administration relève du véritable parcours du combattant !

 

La première année, ce qui m’a le plus pesé…c’est ma propre inertie.

 

J’ai eu la flemme, tout à coup, d’aller vers les autres, de me refaire un cercle de connaissances, de nouveaux amis. Nous avons des amis que nous voyons encore à Istanbul, Varsovie et Taipei, et là, je ne sais pas pourquoi, j’ai eu du mal à embrayer.

Bien sûr, avec le boulot, les enfants, la vie, mes journées sont remplies, mais je sentais tout de même un vide. On a beau avoir de la famille, des amis quelque part, on a aussi besoin d’entretenir une relation de proximité, de partager le quotidien d’une copine qui vit au même rythme que soi. Et j’ai ressenti une certaine lassitude à faire l’effort de construire ça.

Parce qu’il ne faut pas se leurrer, être expatrié, c’est aussi renouveler sans cesse l’effort d’aller vers les autres. Et moi, en arrivant, j’ai eu le reflexe de me dire « oh la la, encore de nouvelles têtes, qui vont partir ensuite, à quoi bon ? ».

Heureusement, ça n’a pas duré longtemps, et aujourd’hui nous avons des amis et une vie sociale. Mais c’est la première fois que j’ai senti que je pouvais comprendre les expats qui restent dans leur coin, qui ne se mêlent pas aux autres et, finalement, passent tout à fait à côté des rapports humains dans une énième ville d’accueil.

 

Illusoire intégration

 

En revanche, nous n’avons pas encore (après presque quatre ans !) d’amis chinois, sauf un couple où lui est Français et elle Chinoise : c’est la seule ! Partout ailleurs, nous avions des amis hors de la communauté des expatriés, ici c’est plus difficile. Je crois que de toute façon, l’idée d’une intégration en Chine est illusoire, on ne vit pas de la même façon.

Pour les Chinois, avoir 5 enfants nous fait déjà passer pour des ovnis absolus. Et le fait que je travaille me catalogue dans la rubrique « mère indigne ».

La mentalité, ici, est aux antipodes de ce que nous connaissons. L’enfant, unique, est pourri gâté jusqu’à son adolescence. Enfant-roi, il est le maître absolu dans la maison. Paradoxalement, on lui met également une pression de réussite terrible : il est le seul, il doit réussir, rendre fière sa famille, il n’a pas le droit à l’erreur. Du coup, dans le boulot, cela donne des comportements d’une compétitivité surnaturelle pour nous autres Européens, ils sont sans cesse en train de se mettre en avant par rapport aux autres. Et en même temps, curieusement, ils ont un esprit communautaire et global que nous ignorons totalement.

La Chine est un pays fascinant, très contrasté, d’une mixité absolue, avec 1 milliard 300 millions d’habitants, c’est inouï ! Vivre à leurs côtés fait réfléchir sur nos propres modèles, sur notre capacité à évoluer, sur notre démocratie.

 

L'apprentissage du chinois

 

J’ai appris le chinois, de la même manière que j’avais appris le turc ou le polonais : le turc, tu l’apprends au contact des gens. Le polonais, c’est facile, c’est consonne-consonne-voyelle ! Le chinois, ça a été plus long, j’ai pris pas mal de cours. Je le comprends, mais ne l’écris pas du tout.

Je n’envisage pas de vivre dans un pays sans en parler la langue, et j’avoue avoir de très grandes facilités à apprendre les langues étrangères… que j’oublie dès que je pars vivre ailleurs ! Mais cela ressurgit au bout de quinze jours si je reviens. Mon mari Nicolas, lui, n’a pas eu le temps d’apprendre, parce qu’il est moins doué !... et qu’il voyage beaucoup trop, tout se fait en anglais.

 

Un quotidien nécessairement très organisé

 

Je parle cependant peu ici, à part sur le marché, ou avec la nounou, la femme de ménage ou le chauffeur. Ici, il est très commun d’avoir un chauffeur : les sociétés préfèrent payer un chauffeur et ne veulent pas que nous conduisions, j’imagine que c’est trop risqué. La plupart des cadres ici ont un chauffeur, ce n’est pas exceptionnel. La contrainte, c’est que tout doit se prévoir, on ne va pas faire son marché sur un coup de tête, ni pique-niquer le week-end avec les enfants. Le chauffeur habite à presqu’une heure de la maison, on ne lui demande tout de même pas de faire le pied de grue toute la journée devant chez nous le week-end, et du coup, nos emplois du temps, même le dimanche, sont très organisés !

Je suis en 4/5ème, j’essaie de ne pas travailler le vendredi. Mon quotidien ne diffère pas beaucoup de toutes les femmes qui travaillent, qui s’occupent de leurs enfants le soir. Bien entendu, ce quotidien est largement facilité par les aides à domicile dont nous disposons. Avoir une nounou et une femme de ménage, en Europe, induit un niveau de vie beaucoup plus élevé que celui que nous avons ici. C’est un des avantages de l’expatriation dans des pays où la main d’œuvre est nombreuse et accessible. Nous sommes installés dans une maison, dans le centre ville, ce qui est plutôt privilégié.


J’explique à la nounou, qui cuisine également, comment faire « nos » recettes. Ici, les supermarchés avec tout dans un seul endroit n’existent pas : les courses se font dans quinze échoppes différentes.

 

L'école

 

Nos enfants sont dans le système scolaire américain, pour plusieurs raisons.

D’abord, parce qu’à Canton, l’école française n’est pas très réputée. Ensuite, parce que le système américain, au moins dans les petites sections, donne une assurance fantastique à un enfant. C’est quelque fois un peu exagéré, tout est « great » et « wonderful », même le moindre petit gribouillage, mais c’est une méthode qui les rassure, qui les épanouit dans un environnement qui pourtant n’est pas le leur, et leur donne le goût d’apprendre.

Les premières années, j’envoyais des devoirs à corriger en France, via le CNED. C’était une horreur, la prof qui corrigeait renvoyait toujours les copies avec des remarques blessantes, des annotations négatives, on a vite abandonné.

Pour le secondaire, nous voudrions qu’Alix aille vers le système français, mais jusqu’ici, la méthode américaine a été plus intéressante. L’une des conditions d’acceptation de notre futur lieu de résidence est qu’il y ait un lycée français.

 

Tous en voyage !

 


Depuis que nous sommes ici, et surtout depuis qu’Oscar a trois ans, nous voyageons beaucoup.

Nous faisons des sauts de puce en Chine, mais aussi dans toute l’Asie. Nous sommes à deux heures en avion de Hong Kong, et nous y sommes allés quelques fois. C’est extraordinaire, c’est un choc d’une autre nature, ça bouge très vite, il y a des restos, des endroits hallucinants, c’est beaucoup plus excitant que Canton. D’ailleurs, peu d’amis sont venus nous voir : nous donnons plutôt des rendez-vous pour passer des vacances ailleurs en Asie, dans des pays plus accessibles culturellement, comme le Vietnam, la Thaïlande, le Japon, les Philippines.

 

Lointaine France

 

Nos parents viennent nous voir une fois par an. Mais à 800/900 euros le billet, on ne retourne pas en France sur un coup de tête, même si j’adore faire la surprise de notre venue (à deux, sinon le budget devient dément).

Récemment, nous avons eu la chance de pouvoir acheter une maison à Pornic, et maintenant, c’est le rendez-vous des copains et de la famille l’été. C’est grand, c’est le souk, mais tout le monde est enfin là.

Et ça a beaucoup apaisé mes coups de blues. Parce que ma seule vraie grande frustration est d’être loin de mes proches, de mes parents qui vieillissent et ne voient leurs petits-enfants que trois fois par an, d’être triste chaque fois que je pars. Maintenant je peux me dire : « allez, fais un effort, dans cinq mois tu es à Pornic avec tout le monde ! ». Skype ou Facetime, c’est bien (Facebook est interdit en Chine), mais ça ne remplacera jamais un vrai face-à-face. C’est frustrant, mais c’est une vie que nous avons choisie, et qui est très riche, selon nos critères.

Nous sommes ici depuis bientôt quatre ans, les contrats d’expatriés sont en général de trois ans… bref, on va bientôt bouger. Et puis, un jour, nous rentrerons en France, j’éspère. Pour le moment, nos filles idéalisent totalement la France, qu’elles ne connaissent que pour les vacances : une fois qu’elle y vivront, elle l’aborderont comme un pays étranger de plus ! »


* Bienvenue, en cantonais. Phonétiquement : Houane Ying en prononçant le H comme la jota espagnole et Ying comme le Ying et le yang.


République Populaire de Chine


Président de la République : Xi Jinping (PCC)
Premier ministre : Li Keqiang (PCC)
Superficie : 9,6 millions de km2 ce qui équivaut à un quart de la superficie de l’Asie.
Population chinoise : 1,347 milliard
Population française en Chine : 30.305
Nombre de provinces : 22 (La République Populaire de Chine considère Taiwan comme sa 23ème province)
Indicatif téléphonique : +86

 

Canton - Guangzhou

Superficie : 7434 km2
Canton (Guangzhou) se situe dans la province la plus peuplée de Chine, Guangdong.  
Canton se trouve à 174 km de Hong Kong (+/- 2h de train).
Population cantonnaise : 16 millions 
Population française à Canton : 1165

Service consulaire de Canton : (0086)20 2829 2000
Guangdong International Hotel
Main Tower Room 810
339 Huan Shi Dong Lu 

Guangzhou 510098
Site : consulfrance-canton.org

 

En France

Ambassade de République populaire de Chine : +331 49 52 19 50
11 av. George V
75008 Paris

 

En Belgique

Service consulaire de l’Ambassade de République populaire de Chine : +322 663 30 01
400 blvd du Souverain
1160 Auderghem

 

Vols

Bruxelles - Canton : 12h15 - à partir de 633€
Paris - Canton : 11h35 - à partir de 550 €

 

Visas

Pour rentrer en Chine, visa obligatoire et passeport valable au moins 6 mois. Vous pouvez obtenir votre visa à l’ambassade de Chine de votre pays de résidence.
Aucun vaccin spécifique.

 

Devise

Le Renmibi (RMB) dont l’unité est le Yuan
1 Yuan vaut 0,121€ & 1€ vaut 8,27 Yuan.
Les euros sont acceptés au même taux que les dollars.

 

Transport

En Chine, pour conduire seul, il faut détenir un permis de conduire chinois. Il est plus adéquat de prendre le taxi ou de louer une voiture avec chauffeur.
Les métros de Canton sont modernes mais les lignes et les arrêts sont peu fréquents.
Le vélo reste le moyen de transport préféré des Chinois. Des pistes cyclables longent les grandes avenues et, dans les petites rues, les vélos sont plus nombreux que les voitures.

 

Climat

Le climat de Canton est subtropical humide. Les hivers sont doux et les étés chauds et moites et les précipitations sont fréquentes pendant toute l’année.

 

Santé

L’eau n’est pas considérée comme étant potable.
Services d’urgence - 131/132/133

 

Téléphonie mobile

•    Les téléphones publics (gongyong dianhua) sont présents dans certains petits commerces.
•    Les cabines téléphoniques s’utilisent avec des télécartes. Il faut compter 8 ? (0,80€) la minute pour la France
•    Les cartes prépayées permettent d’appeler depuis un poste fixe à 2 ? la minute vers la France.
•    Les puces chinoises qu’il faut insérer dans son téléphone portable. Attention la réception des appels est payante.

 

Poste


Les bureaux de poste sont généralement ouverts 7/7 jusque 20h. Ils sont moins nombreux que dans une ville française. Il est rare que les employés parlent une autre langue que le chinois. L’achat de timbres peut également se faire à la réception de certains hôtels.

 

Prises électriques


Les prises à fiche plate (américaine) et celles à trois broches (anglaises) sont les plus répandues.

 

Conseils si Invité chez un Cantonnais

-    arriver à l’heure.
-    enlever ses chaussures.
-    offrir un présent à l’hôte en évitant les fleurs qui sont réservées pour les funérailles.

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