Louvain-la-Neuve

Paru dans JV 27, oct. 2011 | Texte : Cécile de Forton

A première vue, ceux qui n’ont jamais mis les pieds à Louvain-la-Neuve risquent d’être quelque peu perturbés.

Déjà, avant d’entrer dans la ville, il faut garer sa voiture... en sous-sol. Les multiples parkings forment un tel labyrinthe que les visiteurs peinent à retrouver leur chemin.

Une fois arrivés dans le centre, certains se trouvent décontenancés. Moitié campus universitaire, moitié ville, difficile de définir où l’on a atterri. Selon le jour et l’heure d’arrivée, plusieurs ambiances règnent dans cette cité hybride. La semaine, une foison d’étudiants qui déambulent dans les rues, le week-end, un désert qui laisse place aux familles. Patience, la découverte de Louvain-la-Neuve ne pourra que vous surprendre par sa richesse intellectuelle, culturelle et commerciale.

LLN, ville étrange et bigarrée, est définitivement une curiosité belge à découvrir !


Louvain-la-Neuve : une université au milieu des vaches

De par son appellation, la ville de Louvain-la-Neuve, écrite LLN par les plus intimes, laisse deviner qu’elle n’appartient pas à ces villes historiques qui forment la Belgique.

Pourtant elle porte le nom de Louvain, une ville authentique du Brabant flamand, mais alors quelle est donc son origine ?

Université dès le Moyen-Age

L’Université de Louvain (« Leuven » en néerlandais) est originellement fondée en 1425, dans la ville flamande du même nom. Elle est la plus ancienne université de Belgique et l’une des toutes premières d’Europe. Elle est d’abord appelée Université de Louvain, le nom officiel d’Université Catholique de Louvain lui est attribué en 1834.

Au cours du XXe siècle, naissent les premiers mouvements de « flamingants » (terme péjoratif désignant les Flamands défendant activement leur langue et leur culture), désireux d’occuper le devant de la scène après avoir laissé le français s’imposer comme langue officielle.

En 1963, date clé de l’histoire de la Belgique, la frontière linguistique est officiellement reconnue. Elle sépare le Nord (Flandre) du Sud (Wallonie) de la Belgique.

En 1968, alors qu’en France la révolte de mai fait rage, les étudiants néerlandophones manifestent aussi, mais pour une toute autre cause. Ils souhaitent ériger à Louvain une université de langue néerlandaise... uniquement ! Le dédoublement des cours dans les deux langues ne suffit plus, les flamands veulent le départ pur et simple de leurs voisins d’auditoire francophones.

Le fameux cri de « Walen Buiten ! » (en français, « Dehors les Wallons ! ») provoquera l’effet escompté puisque une scission a effectivement lieu le 19 novembre 1968.

 

La naissance d'une 2ème université

 

Cette division ne laisse alors pas de choix, un nouveau site universitaire doit être créé pour accueillir les 12.000 étudiants expulsés. De toute évidence, la nouvelle université doit prendre ses quartiers dans le Brabant wallon et près du site originel de préférence.

Le plateau de Lauzelle, d’une surface de 900 hectares, situé dans la commune d’Ottignies, est choisi. Sa situation est stratégiquement idéale. Campé à une trentaine de kilomètres de Bruxelles, le futur site universitaire se pose en relais idéal pour combler le vide entre la capitale et les principales villes wallonnes. à l’origine, moins de 10 agriculteurs exploitaient ce plateau.

La création de cette université est donc confiée aux mains de concepteurs, urbanistes et architectes. Un architecte américain s’occupe du projet dont le travail sera complété par des Belges afin d’y donner une dimension plus européenne. L’université étant un lieu de dialogue et d’échanges, ses initiateurs souhaitaient lui donner un aspect humain. Le choix de routes tortueuses et piétonnes se montre alors audacieux.

Le site est finalement construit selon une manière assez spéciale : une dalle de béton qui sépare le sous-sol composé de multiples parkings accessibles par des routes et la surface qui réunit l’université et les quartiers résidentiels. Objectif ultime : atteindre n’importe quel point de la ville sans voiture.

Bien que les motivations premières de la construction de Louvain-la-Neuve soient de nature académique, une ouverture économique, sociale et culturelle s’est peu à peu observée.

 

De l'université à la ville

Progressivement, la proportion du nombre d’étudiants par rapport aux habitants s’est réduite. Les habitants se réunissent régulièrement et interviennent dans le développement de la ville.

Aujourd’hui cinq quartiers résidentiels gravitent autour du centre de Louvain-la-Neuve : le Biéreau, Lauzelle, l’Hocaille, les Bruyères et la Baraque. Pour de nombreux habitants, l’avantage de Louvain-la-Neuve réside principalement dans son caractère piétonnier : tout est à portée de main !

Son architecture rebute et fascine à la fois. Les bâtiments de briques rouges aussi identiques les uns aux autres donnent parfois l’impression d’une ville artificielle.

 

 


Étudiant, « kot » et « guindaille » à Louvain-la-Neuve

Louvain-la-Neuve est d’abord une ville estudiantine. Les douze facultés de l’UCL accueillent 21.000 étudiants de 122 nationalités. Certaines filières sont particulièrement prisées.

Question logement, la majorité des étudiants vivent dans des kots. Ce mot signifie « placard » ou « débarras » en néerlandais. à l’époque, on l’employait en plaisantant pour désigner la pièce en location qu’offrait un habitant à un étudiant.

Aujourd’hui, les jeunes louent une chambre chez l’habitant ou logent dans un appartement composé de plusieurs « kots » (jusqu’à 10 chambres !). Les prix oscillent entre 350 et 500 euros par mois.

Des filières réputées :

LSM (Louvain School of Management)
Concernant l’enseignement, le département de sciences économiques de l’UCL est particulièrement reconnu. Placée 19e au classement des écoles de commerce européennes du Financial Times 2010, la LSM (Louvain School of Management) dépasse même sa principale rivale bruxelloise Solvay. Stéphanie Crespin, jeune Franco-belge qui a obtenu un bac S au Lycée Français Jean Monet, a opté pour le Master Européen MIM (Master International Management) à la LSM suite à un bachelier aux Facultés universitaires de Saint Louis (Bruxelles). « Mon choix s’est tout de suite dirigé vers ce master unique en Belgique. La dimension internationale m’a immédiatement attirée, car le programme est trilingue. Notre esprit entrepreneurial se trouvait sans cesse valorisé par des projets, des travaux de groupes, des stages en entreprise et des séjours à l’étranger. »

IAD (Institut des Arts de Diffusion)
Outre l’UCL, Louvain-la-Neuve offre de multiples formations en Hautes écoles. Parmi celles-ci, l’IAD (Institut des Arts de Diffusion), très réputée en Belgique. L’école à la dynamique européenne offre des formations en cinéma, télévision, radio, infographie, multimédia ou encore en théâtre.

 

La « guindaille »

Mais que serait LLN sans la « guindaille », terme qui désigne la fête chez tous les étudiants de Belgique ? Ici, une rue est dédiée aux cercles folkloriques de toutes les facultés et régions belges. Chaque soir, l’un d’entre eux accueille les amateurs de bière et de fête.

Les 24 heures vélos, course cycliste annuelle, est également un événement à faire une fois dans sa vie ! Des vélos aux décors folkloriques sillonnent les rues de Louvain-la-Neuve durant 24 heures. La ville se transforme rapidement en un dépotoir jonchée de gobelets vides et de personnes ivres. Ames sensibles, s’abstenir...

LLN, ville étrange et bigarrée, est définitivement une curiosité belge à découvrir !

 


Louvain-la-Neuve : une ville aux multiples facettes

Joêlle , femme au foyer, habite à Louvain-la-Neuve dans le quartier de Lauzelle.

Elle explique pourquoi elle s’est installée dans la ville : « Bruxellois d’origine, mon mari et moi revenions de l’étranger. Nous avions loué notre maison à Bruxelles et ne pouvions l’occuper dans l’immédiat. Nous avons donc choisi de nous installer à Louvain-la-Neuve. Nous devions rester un an et voilà maintenant plus de 20 ans que nous y habitons. J’avoue que la ville ne me plaisait pas beaucoup au début. L’architecture de Louvain n’est pas celle de Bruxelles mais je m’y suis très vite habituée ! Le quartier de Lauzelle se trouve dans une zone verte où peu d’étudiants résident. Notre maison se situe juste derrière un parc ce qui rend notre quotidien très agréable. En bref, nous avons vraiment la sensation d’habiter à la campagne tout en étant dans la ville. »

 

Une ville en croissance

Au cours de sa croissance, Louvain-la-Neuve s’est ouverte sur le monde, ce qui n’avait pas toujours été le cas. Les premiers habitants venus s’installer y étaient pour une raison précise : l’université. S’est alors observé le développement d’une classe plus intellectuelle que manuelle. Ce milieu philosophique chrétien et aisé va avoir tendance à former un ghetto sans laisser de place à la mixité sociale.

Mais peu à peu, la ville va s’ouvrir vers l’extérieur. Au total, la commune d’Ottignies-Louvain-la-Neuve recense quelque 30.856 habitants dont 10.699 uniquement à Louvain-la-Neuve. On y compte plus de 100 nationalités différentes. Des logements sociaux ont été construits et lorsqu’on compare le niveau de vie de Louvain-la-Neuve par rapport à d’autres régions, on s’aperçoit qu’y faire sa vie est tout à fait abordable.

 

Une effervescence culturelle

Le peuplement de Louvain-la-Neuve a conduit à une belle effervescence culturelle. Trois centres importants font de la ville nouvelle une référence culturelle :

- inaugurée en 2001, l’Aula Magna prête son espace à une multitude d’activités : spectacles, conférences, congrès d’entreprises, etc.

- la ferme du Biéreau, ancienne ferme complètement rénovée, accueille dans ses salles les plus grands artistes du moment.

- l’Atelier théâtre Jean Vilar, maillon manquant de ces espaces culturels, propose un programme éclectique et panaché.

Mis à part ces centres culturels, une visite des musées est fortement recommandée. Pour les inconditionnels de Tintin, le musée Hergé est un must à ne pas manquer ! Plus de 80 planches originales et 800 photos ont été rassemblées dans ce lieu à l’allure ultramoderne pour faire revivre l’oeuvre d’Hergé.

Sophie Gérard, attachée culturelle à l’UCL Culture, est chargée de développer la culture au sein de l’université et auprès des habitants : « Bien que Nivelles soit la capitale de la région, elle n’est pas aussi active que Louvain-la-Neuve en matière culturelle. Ici, tous les soirs, il est possible d’assister à un événement. Chaque année, nous travaillons en collaboration avec un artiste. à la rentrée, nous suivrons les traces de François Bon, un écrivain français spécialisé dans l’écriture numérique. L’artiste est chargé de choisir un thème suivi à travers différentes manifestations : exposition, danse, cinéma. François Bon a choisi le thème de la rupture. Même si les événements s’adressent d’abord aux étudiants, nous encourageons les habitants à se déplacer. L’objectif est de faire vivre les sites un maximum. »

 

S’instruire, mais pas uniquement

Les commerces de Louvain-la-Neuve incitent à se délester de son porte-monnaie. Pour compléter sa garde-robe ou tout simplement pour remplir son réfrigérateur, inutile de prendre la voiture, cinq minutes de marche suffisent. En 2005, un concept inédit s’érige : L’Esplanade. Cet immense complexe associe le plus grand centre commercial de la région, une nouvelle rue commerçante du nom de Charlemagne, un cinéma Cinescope, une série d’appartements, ainsi que la première gare RER du Brabant wallon. Les amoureux du shopping y trouvent leur compte puisque ce centre compte pas moins de 95 commerces combinés à la trentaine de boutiques qui jalonnent la rue Charlemagne. Les nombreuses infrastructures commerciales attirent d’ailleurs les habitants de la Wallonie tout entière.

 

 

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