
État unitaire en 1830 lors de son indépendance, état fédéral en 1994 composé de régions et de communautés sans que les anciennes provinces issues de la période néerlandaise disparaissent, les différents niveaux de pouvoir belge se superposent et s’entremêlent. Voici quelques pistes pour tenter de comprendre l’organisation du pays du surréalisme.
Vues de l’extérieur comme de l’intérieur, les structures politiques de l’État belge souffrent d’un manque patent de lisibilité. Elles apparaissent comme un enchevêtrement de niveaux de pouvoir au-dessus desquels surnagent des partis politiques dont les présidents tout-puissants agissent comme autant de belles-mères pour les gouvernements. A l’occasion de cette crise du covid, le citoyen a pu en outre constater que cet organigramme, ou cette lasagne institutionnelle belge comme on a pris l’habitude de l’appeler, a eu quelques conséquences fâcheuses quant à la gestion de l’urgence sanitaire.On ne s’étendra pas sur les neuf postes de ministres de la Santé qui font sourire ou pleurer selon l’humeur du moment ou encore sur les ratés de cette gestion pandémique au niveau de la fourniture en matériel médical de première nécessité, sur le testing, le tracing ou encore sur la prise de décision laborieuse et les communications hasardeuses. Ces loupés conduisent à un constat qui fait aujourd’hui consensus : l’éclatement des compétences et donc des responsabilités en matière de santé a incontestablement grevé l’efficacité du système dans son ensemble.
Ainsi, la politique générale des soins de santé est-elle gérée au niveau fédéral. C’est le gouvernement qui donne le « la » en matière de gestion des hôpitaux, de fourniture de matériel, de médicaments. Mais le testing, la vaccination, le tracing sont par contre à charge des Régions. On notera encore que la prévention sanitaire relève, elle, des communautés. N’en jetez plus. Qui y retrouverait ses petits ? Coup de projecteur sur l’objet Belgique.
Comment fonctionne la Belgique ?
Reprenons les bases. La Belgique est une monarchie. Avec le Roi Philippe à sa tête, la famille royale n’a cessé de perdre en influence et son rôle se limite aujourd’hui au protocole et à la consultation lors de la formation du gouvernement qui devient de plus en plus difficile. La Belgique est surtout un État fédéral qui dispose de son gouvernement et de son parlement (la Chambre et le Sénat) comprenant trois entités régionales et trois entités dites communautaires, car elles gèrent les matières relevant de la personne telles que l’enseignement et la culture. Ainsi, nous avons trois communautés : la Flandre, la Fédération Wallonie-Bruxelles et la Communauté germanophone qui compte un peu moins de 80.000 personnes habitant à la frontière allemande de la Wallonie. Mais également trois Régions chargées des matières liées au territoire : la Flandre, la Wallonie et la Région de Bruxelles-Capitale. La première est unilingue flamande, la deuxième unilingue francophone et la troisième bilingue. Chacune de ces institutions dispose officiellement de son gouvernement et de son parlement.
Jusqu’ici, l’affaire paraît assez simple. Trop simple ! Il faut savoir que le monde flamand a choisi de fusionner ses institutions communautaires et régionales qui ne font en fait qu’un : un gouvernement, un Parlement et un budget unique. Capitale : Bruxelles. Cette entité est compétente pour les matières personnalisables tant en Flandre qu’à Bruxelles. Exactement comme la Fédération Wallonie-Bruxelles. Dans la région-capitale, deux systèmes d’enseignement avec chacun sa langue s’offrent donc au choix des parents et des élèves.
Ce statut bilingue de Bruxelles a donné lieu à la création d’institutions propres qui viennent s’ajouter à l’ensemble. C’est ici que le terme de « lasagne »prend tout son sens. Ainsi, les questions « personnalisables »sont gérées par des gouvernements et parlements « communautaires » à Bruxelles : la Cocof pour les francophones, la VGC pour les néerlandophones. Auxquels s’ajoute encore une institution pour les matières dites « bicommunautaires » qui concernent à la fois les francophones et les néerlandophones. C’est la Cocom, organe moribond qui est redevenu important après avoir hérité de la gestion et de la distribution à Bruxelles des allocations familiales. Une matière scindée entre les trois régions lors de la dernière réforme institutionnelle en 2011. Alors attention, ces gouvernements et parlements sont constitués de ministres et de députés issus du gouvernement et du parlement régional bruxellois qui jouent donc constamment avec ces différentes casquettes politiques.
En résumé, la Belgique se retrouve avec un gouvernement fédéral, un gouvernement flamand, un gouvernement wallon, un gouvernement francophone, quatre gouvernements bruxellois et un gouvernement germanophone. Le compte y est, on retrouve donc nos 9 ministres de la Santé, chiffre un peu « tarte à la crème » étant donné que ce sont les ministres fédéraux et régionaux qui disposent des leviers les plus importants en la matière. Il révèle cependant une complexité à laquelle même le citoyen belge ne comprend plus grand-chose.
Comment en est-on arrivés là ?
L’histoire commence a peu près à la naissance de la Belgique, en 1830-31, mais c’est au lendemain de la Première Guerre mondiale que les forces centripètes ont commencé à monter en puissance. Ce qu’on appelle le Mouvement flamand, soit l’ensemble des associations et individus œuvrant pour l’émancipation de la Flandre, commence alors à s’organiser au départ d’une préoccupation avant tout culturelle centrée sur la défense de la langue néerlandaise, sa reconnaissance et son enseignement. Dans les années 50 et 60, les tensions communautaires n’ont fait que s’accentuer au gré d’événements charnières, comme la question royale, les grandes grèves de 1960 ou encore les affrontements entre francophones et néerlandophones dans les milieux universitaires. Aux volontés autonomistes flamandes d’ordre identitaire et culturel, s’opposait le mouvement régionaliste wallon alors que s’enclenchait le déclin industriel des bassins liégeois et hennuyer qui avaient en leur temps fait la richesse du pays. Cette polarisation a donné lieu à la première réforme de l’État en 1970, premier coup de canif dans l’État unitaire belge.
Cette période est marquée par une dynamique de scission inédite. Le Parlement est divisé en groupes linguistiques. Les francophones, minoritaires, négocient des verrous institutionnels pour garantir le respect de leurs intérêts, tandis que les Flamands obtiennent dès 1962 la fixation de la frontière linguistique qui coupe encore aujourd’hui le pays en deux. En 1970, est acté l’ajournement de la création des régions, réclamée côté francophone pour faire face aux défis économiques de la Wallonie. Le principe des régions est alors inscrit dans la Constitution, mais la réforme ne crée pas les institutions ad hoc. Ce premier grand rendez-vous institutionnel est par contre marqué par la création effective des premières entités fédérées que sont les communautés flamande, française et germanophone. A cette occasion, l’enseignement est officiellement scindé.
Les partis se divisent
Les tensions communautaires qui s’exacerbent à cette époque vont également provoquer la division des partis traditionnels en Belgique. Dans ce petit pays, la politique s’est historiquement organisée autour de trois piliers philosophiques : le pilier libéral, le pilier chrétien et le pilier socialiste. Chacun d’entre eux disposant d’un ancrage profond dans la société grâce a un tissu associatif, syndical et mutualiste propre. Suite aux tensions étudiantes qui ont mené à la scission de l’Université catholique de Louvain en 1968 – on se rappelle du fameux « Walen buiten » (Wallons dehors) scandé par les étudiants flamands – le parti catholique s’est scindé en deux. Rapidement suivi par les libéraux. Le divorce sera un peu plus lent chez les socialistes puisque la séparation du PSB n’interviendra qu’en 1978, à la veille d’un nouveau round communautaire.
Lorsque les années 80 arrivent en effet, c’est sous pression régionaliste francophone que la Belgique se prépare à une nouvelle réforme de l’État. Ce deuxième épisode institutionnel va transformer radicalement les structures de la Belgique puisque les régions, tant demandées côté wallon, voient effectivement le jour. Mais seulement les régions flamandes – dont les compétences sont comme on l’a vu transférées à la Communauté au Nord– et wallonne. Elles deviennent responsables de l’aménagement du territoire, du logement ou encore d’une partie de la politique de l’emploi. Francophones et néerlandophones ne parviennent par contre pas à se mettre d’accord sur la création de la Région bruxelloise qui sera « mise au frigo » pendant près de 10 ans. La capitale, majoritairement habitée par des francophones, mais géographiquement enclavée en Flandre, constitue une pierre d’achoppement communautaire historique entre francophones et néerlandophones. Pour marquer le caractère flamand de la ville, la Flandre en fait d’ailleurs sa capitale pendant que les Wallons préfèrent se tourner vers Namur qui abrite encore aujourd’hui les institutions régionales sudistes. Toute réforme de l’État étant un compromis, les Communautés nées une dizaine d’années auparavant sont renforcées en héritant de nouvelles compétences en santé, aide à la personne ou encore la recherche scientifique.
La naissance de la Région bruxelloise
Les francophones ne lâcherons pas l’affaire car à leurs yeux, Bruxelles doit devenir une région-capitale malgré les réticences flamandes. Au Nord, en effet, on ne désespère pas de voir un jour la ville revenir sous le giron flamand. En 1989, lors d’une nouvelle négociation communautaire, ce n’est donc pas une modification de la Constitution qui instaure la Région bruxelloise mais une loi spéciale (dont l’adoption nécessite les deux tiers de la Chambre et une majorité dans chaque groupe linguistique). Cette « nuance » alimente le débat encore aujourd’hui. Côté francophone, on considère Bruxelles comme une région « à part entière » tandis qu’au Nord, on ne cesse d’insister sur le statut particulier de la capitale en raison des intérêts des deux communautés qui s’y rencontrent. Pour nombre de Flamands, Bruxelles doit être cogérée au départ des deux grandes communautés (c’est d’ailleurs la base du projet confédéral de la N-VA). Depuis toujours, les Flamands de Bruxelles se plaignent d’une reconnaissance insuffisantes de leur langue (notamment dans les services de santé, gros point de friction) dans une capitale où l’usage du français domine largement. A ne pas négliger, l’apport économique de Bruxelles qui produit près de 20 % de la richesse du pays pour 10 % de la population du pays. La capitale européenne est également une carte de visite à l’international à laquelle les autorités flamandes ne veulent pas renoncer. On notera encore la proximité de l’aéroport de Bruxelles National (situé à Zaventem, juste en dehors de la Région) qui demeure un pilier de la prospérité flamande.
Le temps de la plomberie
La maison Belgique a à peine eu le temps de se reposer sur ses nouvelles bases que se profilait une nouvelle réforme institutionnelle. Nous arrivons au début des années 90 où démarrait l’ère du Premier ministre démocrate-chrétien Jean-Luc Dehaene. Surnommé « le plombier », il excellera dans l’art du compromis institutionnel. Il a pu mettre ses talents à profit dès 1993 pour apaiser une nouvelle séquence de tensions communautaires : la quatrième réforme de l’État. La Belgique devient officiellement fédérale à cette époque grâce à un nouvel article de la Constitution qui subit alors un toilettage important. Dans le même temps, le nombre de députés passe de 212 à 150, le Sénat est également réduit tandis que la province du Brabant (oui il y a aussi des provinces en Belgique) est scindée en deux : le Brabant flamand et le Brabant wallon wallon.
En 2001, nouveau round institutionnel avec les « accords du Lambermont » qui consacrent de nouveaux transferts de compétences en direction des régions et communautés. A titre d’exemple, les régions héritent de l’agriculture, du commerce extérieur et de la tutelle sur le pouvoir provincial. Les compétences fiscales des régions sont également renforcées.
S’ensuivent des années fastes sur le plan socio-économique pour la Belgique, alors dirigée par le libéral flamand Guy Verhofstadt. Son mandat est marqué par une accalmie communautaire qui génèrera une énorme frustration dans le chef du mouvement flamand qui, par principe autant que dans un souci stratégique, souhaite que chaque réforme de l’État en annonce une autre dans une dynamique perpétuelle d’émancipation de la Flandre. En outre, la politique d’assouplissement du gouvernement Verhofstadt en matière d’immigration va servir de carburant à la droite nationaliste. Cette frustration aboutira a un conflit communautaire particulièrement violent en 2007 autour de la question de la scission de l’arrondissement électoral et judiciaire de Bruxelles-Hal-Vilvorde (BHV), réclamée côté flamand. Cet arrondissement faisait vivre un lien institutionnel entre Bruxelles bilingue et sa périphérie unilingue flamande mais habitée par des dizaines de milliers de francophones.
Cette frustration communautaire trouve un réceptacle politique particulièrement efficace : la N-VA, pour Nieuw-Vlaamse Alliantie, menée par le charismatique Bart De Wever, aujourd’hui bourgmestre d’Anvers. Le parti nationaliste né en 2003 sur les cendres d’un ancien parti nationaliste mise sur une communication redoutable (certains diront populiste) marquée par un message de fermeté en matière d’immigration, une stigmatisation de la gauche et des francophones accusés de profiter de la prospérité flamande à travers l’institution fédérale, et un positionnement très libéral sur le plan socio-économique. Ce cocktail va faire merveille et siphonner les électorats de l’extrême droite, de la droite conservatrice et de la droite libérale.
C’est dans ce contexte explosif qu’en 2010, le gouvernement fédéral tombe suite à un désaccord sur la scission de l’arrondissement électoral et judiciaire de BHV. C’est alors un certain Alexander De Croo, président de l’Open Vld, le parti libéral flamand, qui tire la prise de la majorité et précipite le pays vers des élections anticipées. Celles-ci auront donc lieu au printemps 2010. La N-VA en sortira premier parti de Flandre avec 27 sièges au Parlement fédéral. Débute alors la période de crise politique la plus longue que la Belgique ait connu. Cette période troublée aura fait la renommée du pays, puisque c’est au terme de 541 jours de négociations – un record - marquées par d’innombrables rebondissements que naîtra le gouvernement Di Rupo. La N-VA est laissée dans l’opposition mais son poids politique et la force des pressions flamandes pour un nouveau round institutionnel dote le gouvernement d’un nouveau projet de réforme. C’est la sixième et dernière réforme de l’État en date.
Soutenue par les familles socialiste, libérale, démocrate-chrétienne et écologiste (qui reste cependant dans l’opposition), celle-ci se distingue par deux volets. Le premier consacre la scission de l’arrondissement de BHV, ô combien symbolique pour la Flandre, le refinancement de la région bruxelloise ou encore la transformation du Sénat en assemblée des entités fédérées. Son deuxième volet est voté en 2014 et conduit à de substantiels transferts de compétences du niveau fédéral vers les régions et communautés. On citera les allocations familiales, des pans entiers de la santé, la sécurité routière, la loi sur les loyers, ou encore les avantages fiscaux liés aux prêts hypothécaires. Le financement des différentes composantes de l’État est également profondément réformé, mettant fin à partir de 2025 et de manière progressive aux mécanismes de solidarité budgétaires entre régions. Il s’agit d’une partie des fameux transferts dénoncés depuis des années par les nationalistes flamands. La réforme consacre donc l’idée d’une responsabilisation budgétaire accrue des régions et communautés. Une demande forte venue des partis du Nord.
Voilà donc la Belgique d’aujourd’hui. Un Etat fédéral qui conserve de nombreux leviers, dont les compétences dites régaliennes : la Défense, les Affaires étrangères, l’Intérieur ou les Finances. Mais qui a perdu nombre de ses prérogatives au gré des épisodes de décentralisation qui viennent d’être esquissés. Le résultat est aujourd’hui décrié assez largement par le monde politique, y compris chez ceux qui ont participé à la dernière réforme en date. La pandémie covid a mis à nu les faiblesses du système marqué par l’éparpillement des compétences et des responsabilités politiques rendant d’autant plus difficile l’élaboration d’une réponse rapide, cohérente, efficace et lisible à une crise telle que celle que nous vivons.
Bref, le consensus est déjà là pour remettre l’ouvrage institutionnel sur le métier. C’est au programme du nouveau gouvernement d’Alexander De Croo, chargé d’ici 2024 d’initier une évaluation des différentes réformes précédentes et de mettre en place une nouvelle méthode qui doit faire davantage participer les citoyens au remodelage de leur État.
Qui est à la manœuvre ?
Nous voici donc revenu à la Belgique de 2021, meurtrie au même titre que bien d’autres États par un an de pandémie, de restrictions et de crise économique. La pandémie a contribué à mettre un terme à une deuxième crise politique apparemment insoluble issue des élections de mai 2019. Entre 2014 et 2019, le gouvernement Di Rupo a fait place au gouvernement de Charles Michel ne comptant qu’un seul parti francophone (le MR), ce qui fut une première historique. Il associait pour la première fois la N-VA du puissant Bart De Wever au niveau fédéral. Une période marquée par une certaine instabilité politique (la N-VA a fini par sortir du gouvernement fin 2019) et par une politique très libérale avec des baisses d’impôts et des mesures impopulaires comme un frein à l’augmentation des salaires ou encore le passage de l’âge de la retraite de 65 à 67 ans à l’horizon 2030.
Les élections suivantes, en mai 19, confirmèrent une forme de balkanisation de l’électorat en Belgique dont les victimes principales sont les trois familles politiques qui structurent historiquement l’État. Les socialistes ont fort à faire avec la concurrence du Parti du travail de Belgique (PTB). Ce parti d’extrême gauche existe depuis les années 70, mais a su adapter son discours aux nouveaux médias, continue de capitaliser sur le mécontentement populaire, une déception vis-à-vis de la social-démocratie et marque des points au sein des syndicats.
Le PTB est moins fort en Flandre mais y progresse également. Les écologistes ont aussi le vent en poupe, notamment dans la capitale où ils détrônent régulièrement le PS dans les sondages. Ils l’ont fait dans les urnes en 2019. Sans concurrence crédible à droite, le MR, le parti libéral francophone, se maintient à la baisse autour des 20 % mais est concurrencé par Ecolo, notamment au sein d’un électorat aisé et urbain. Le parti est actuellement dirigé par Georges-Louis Bouchez (35 ans), omniprésent et remuant. Les démocrates chrétiens du cdH sont en train de littéralement s’effondrer, surtout à Bruxelles où les sondages le pointent régulièrement sous le seuil d’éligibilité de 5 %. DéFi, parti communautaire francophone, et ses deux députés, existe surtout à Bruxelles.
PS, MR et Ecolo sont associés au gouvernement De Croo, entré en fonction en octobre 2020 après de longs mois de négociation. Côté flamand, les démocrates chrétiens du CD&V et les libéraux de l’Open Vld ont finalement accepté de mettre la N-VA dans l’opposition pour s’associer avec les socialistes flamands du sp.a (qui vient de changer de nom pour Vooruit) et les écologistes de Groen. Le gouvernement d’Alexander De Croo compte donc sept partis. L’élections de 2019 a été marquée par le succès renouvelé du Vlaams Belang, parti d’extrême droite que le succès de la N-VA avait marginalisé. Il vient de reprendre du terrain (18 députés à la Chambre) à son concurrent et livre une bataille féroce avec le PTB (PVDA, en Flandre) pour attirer à lui l’électorat jeune et populaire touché par la crise.
Aujourd’hui, l’action politique belge semble menée par un trio néerlandophone. Au devant, le Premier ministre Alexander De Croo qui forme un tandem avec Frank Vandenbroucke, ex-vice Premier ministre socialiste ressorti de sa retraite universitaire pour prendre en charge la Santé. Sa ligne sanitaire est dure, son ton austère pendant que le locataire du 16 (cabinet du Premier ministre) donne une image aussi empathique que faire se peut. Derrière eux, Annelies Verlinden, sérieuse ministre de l’Intérieur fournie par le CD&V et sorte de gardienne de la paix sociale. Ce trio fédéral forme l’ossature du gouvernement qui décide avec deux autres figures politiques incontournables : Jan Jambon et Elio Di Rupo. Le premier est une figure de proue de la N-VA qu’il a représentée au sein du gouvernement Michel. Il était ministre de l’Intérieur au moment des attentats de Paris et de Bruxelles. Il dirige aujourd’hui le gouvernement flamand. Le second fut président du Parti socialiste pendant près de 20 ans et Premier ministre entre 2012 et 2014. Il est à la tête du gouvernement wallon.
Les autres hommes et femmes influents sont à la tête des partis politiques. Si Bart De Wever continuer de peser de tout son poids en Flandre, il est toutefois moins présent médiatiquement aujourd’hui alors que son parti est en difficulté. Paul Magnette a repris en main le Parti socialiste, premier parti francophone et fait tout pour gauchiser l’action du gouvernement. Souvent en opposition au MR du jeune Georges-Louis Bouchez qui, omniprésent dans les médias, fait office de trublion en se distanciant très souvent de l’action du gouvernement de peur de perdre un électorat de petits entrepreneurs durement touchés par la crise. Jusqu’à mettre en difficulté Sophie Wilmès, actuelle ministre des Affaires étrangères et personnalité politique la plus populaire côté francophone depuis qu’elle a incarné la gestion de crise en tant que Première ministre en affaires courantes quand le virus est apparu.
Cette pandémie force aujourd’hui la Belgique à se regarder dans le miroir. Trop de structures, trop de niveaux de décision, trop d’organes satellites. Le nombre et la complexité mine l’efficacité de l’État. Un constat que la Belgique n’est pas la seule à poser. Reste à savoir si elle sera capable de rassembler ses forces éparpillées pour se rendre meilleure. C’est tout le défi du gouvernement De Croo qui ambitionne de moderniser le pays à l’horizon2030, année du bicentenaire de la création du Royaume de Belgique.