Ado Chale

Paru dans JV4, Décembre-janvier 2008 | Texte : Antoinette Van Ham, Photos : Frédéric Ducout

L’atelier d’Ado Chale, situé derrière l’avenue Louise, tient de la caverne d’Ali Baba, de l’entrepôt multi-usage ou encore de la boîte à souvenirs.

C’est une histoire pas comme les autres, celle d’un artisan poète, artiste malgré lui, qui connut le succès d’estime dans les carnets mondains des années 1970 (présent dans de nombreuses collections privées, présidentielles et royales), la déprime financière dans les années 1990 et aujourd’hui une renaissance qui fait boule de neige. La résonance ultra tendance des dernières créations d’Ado Chale – totalement insoupçonnée par son auteur – est à la mesure des nouvelles commandes qui pleuvent sur l’atelier de la rue Lens à Ixelles.


Ado Chale doit sa réputation d'« alchimiste du haut minéral » (comme on le surnommait) à un galeriste parisien, Yves Gastou, qui lui a redonné ses lettres de noblesse en lui consacrant une exposition qui s’est naturellement inscrite dans une époque faite de rééditions, de goût pour le mobilier et les objets du XXe siècle, d’engouement pour le design des sixties et seventies. Ajoutez à cela l’intérêt porté aux tables signées Ado Chale par l’architecte américain Peter Marino ou plus près de chez nous, Antoine Pinto, et le retentissement est là !

L’atelier de la rue Lens tient de la caverne d’Ali Baba, de l’entrepôt multi-usage ou de la boîte à souvenirs. Il y a encore un peu de l’esprit des vieux ateliers du temps des surréalistes ou de Giacometti dans l’univers d’Ado Chale. Il n’a jamais cessé de rêver ni de valoriser la matière.

« Ça a débuté en Allemagne, à Francfort, raconte-t-il, avant ça, j’étais ferronnier. » Ce jour-là, il y avait une foire qui avait rassemblé beaucoup de monde en ville. « Plus une chambre libre à l’hôtel, on a logé chez le garagiste et là, j’ai eu le coup de foudre pour une petite vitrine qui renfermait une collection de minéraux…»
Depuis ce moment, l’énergie déborde sans discontinuer des mains de l’artisan comme les larmes de résine qu’il verse sur ses plateaux de table, après les avoir incrustés de nodules de marcassites qu’il déniche au cap Blanc-Nez, de rhodochrosite, pierre rose venant d’Argentine, de lapis-lazuli, de boutons de nacre, d’onyx… Dans l’atelier, on s’attache aujourd’hui à un travail de pure patience : la réalisation d’une table à dîner de 3,50 mètres sur 1,20, dont le plateau « travaillé » à l’envers est rempli de minuscules diabolos en os de bovidé (ceux qui servaient d’isolants, à l’époque, pour les fils électriques), au centre desquels sont insérés manuellement de petits clous dorés. Ce plateau de table sera ensuite recouvert d’une résine de polyester grise, qui donnera un joli effet de « scintillement de laiton ». Dans combien de temps cette table sera-t-elle achevée ? « Aucune idée. » Du pur artisanat !

Ado Chale nous accompagne volontiers dans la visite des lieux en nous invitant à traverser la rue pour dévoiler une part de son intimité : la partie de maison qu’il occupe en face depuis peu, entièrement rénovée par ses soins dans le respect du style Victor Horta, ce bâtiment étant l’arrière-maison de l’hôtel Solvay sis au 224 avenue Louise. La rue Lens se situant en contrebas de l’avenue Louise, on accède à l’antre personnel d’Ado Chale par le sous-sol. Ici, c’est le paradis du stockage en tout genre. À l’étage, qui correspond au rez-de-chaussée du côté Louise, en haut d’un petit escalier en colimaçon, on découvre avec surprise de splendides écuries dans leur parfait état original.

Chaque étage nous dit un peu plus sur le maître des lieux, qui nous raconte son intérêt pour le croquis. « Ici, confie-il, je dessine la femme et l’amour !» Dans chaque pièce à l’architecture intacte, la matière est tellement présente que l’on se plaît à redécouvrir le plaisir du geste simple : faire glisser la main sur un bois fossile d’Arizona poncé et poli au diamant, plonger dans une brassée de topazes citriques, caresser la surface striée d’une fonte d’aluminium ou l’aspect plus lisse d’un petit meuble entièrement recouvert de vieilles touches de piano en ivoire, d’un morceau de jade de l’âge néolithique (collection personnelle de l’artiste)…

C’est en nous ouvrant ses trésors personnels qu’Ado Chale se livre petit à petit, comme s’il avait fallu briser la croûte de la crème brûlée avec le dos de la petite cuillère. Alors, on apprend qu’il est du signe du poisson et que la pluie ne le dérange pas beaucoup, qu’il n’aime pas les gens qui serre la main à droite en souriant à la caméra à gauche, qu’il vient de s’acheter un ordinateur pour créer son site Internet (à 79 ans !), qu’on le presse de faire un livre sur son travail, qu’il se met à la sculpture pour la première fois, répondant à une demande en vue d’une exposition au Sablon… Incroyable, non ? 

 

Ado Chale a été sélectionné pour les Victors 2013

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