
Ces trois Français installés en Belgique ont réussi, chacun, à trouver leur voie d'inspiration et de création. Qu'ils cultivent aujourd'hui avec beaucoup d'enthousiasme.Musique équitable
Julien Brocal
Il a la voix qui chante et transforme une conversation en mélodie. Récemment nommé Révélation de l’année par le BBC Music Magazine, Julien Brocal a commencé à apprendre le piano à l’âge de cinq ans et s’est produit pour la première fois à l’âge de 7 ans. Il a été formé par Erik Berchot au Conservatoire National de Région de Marseille et Rena Shereshevskaya à l’École Normale de Musique de Paris Alfred Cortot. Pourtant, il n’a pas baigné dans un milieu musical classique. Entre une mère fan de Johnny Hallyday et un père fou de rock, il découvre le répertoire classique à la télévision. A 35 ans, cet originaire de Camargue considère la musique comme sa maison intérieure, alliée indéfectible pour trouver le juste équilibre, être en harmonie avec lui-même et communiquer avec sa propre intériorité. Une fusion qui le propulse rapidement au rang d’artiste à suivre, au point qu’à la sortie de son deuxième album en 2018, le rédacteur en chef du magazine Gramophone Patrick Rucker écrive « Je vous implore de ne pas rater l’occasion d’entendre ce talent singulier ».
Une carrière hors du commun pour celui dont la rencontre, en janvier 2013, avec la grande pianiste portugaise Maria João Pires lors d’un cours de perfectionnement à la Cité de la musique, marquera un véritable tournant. « Elle m’a invité en résidence artistique à la Chapelle Musicale Reine Elisabeth en Belgique. J’ai immédiatement partagé avec elle une vision de la musique dans sa globalité. Depuis, je ne suis jamais reparti ! L’atmosphère de grand village de Bruxelles et l’impression que tout y est possible m’a subjugué. Je m’y sens libre », se réjouit celui qui avait envie d’un projet à taille humaine, plutôt que de devenir un performeur à part entière. Il achète dès lors un grand atelier dans le cœur historique de la capitale, y fait pousser des légumes et dans la même optique, conçoit un jardin musical, à la manière d’un écosystème. « Je vise l’autosuffisance et à l’instar de mon potager, de me nourrir de ce jardin plateforme, belle vitrine culturelle et initiative solidaire, qui permet à des musiciens du monde entier de venir se produire. La pandémie a tout accéléré. Ma communauté m’a demandé des vidéos en streaming de chaque concert. Depuis, le projet a évolué et on peut parler de permaculture humaine, de projet engagé ». A raison de 15 euros par mois, on peut s’abonner à la plateforme et ainsi contribuer à un cercle vertueux : grâce à cette micro-économie, la saison musicale est financée et les artistes qui cultivent le jardin touchent 50% des bénéfices réalisés. En s’associant à cette initiative militante, le public devient coproducteur des artistes qu’il soutient. « Une sorte de commerce musical équitable avec des artistes en circuit court, une alternative solidaire alors que la crise touche les artistes de plein fouet. Sans ce jardin musical, j’aurais dû vendre mon piano… »
Site.
Renaissance, Aurélia Dubuc
C’est une grande histoire d’amour à laquelle elle a décidé de mettre fin : après vingt ans d’articles en presse écrite, Aurélia Dubuc a rangé sa casquette de journaliste pour se consacrer à une autre de ses passions, le monde de la petite enfance. Univers qui l’a toujours attirée, elle se serait d’ailleurs bien vue sage-femme ou institutrice maternelle et ce n’est pas un hasard si au fil de sa carrière, elle a notamment collaboré au magazine « Parents ». « Même si je prends un tout autre cap, il y a une certaine cohérence dans mon parcours, dont le fil rouge est clairement l’enfance et tout ce qui gravite autour », explique la quadragénaire qui ne regrette aucunement son choix, ni celui d’avoir quitté le sud de la France. Installée en Belgique depuis trois ans avec son compagnon et leur petit garçon de bientôt six ans, elle a eu un véritable coup de cœur pour Bruxelles, découverte un peu par hasard alors qu’elle y était avec sa fille aînée qui comptait venir suivre des études en Belgique. « C’est une école qui nous a attirées toutes les deux ici, mon mari adorait déjà la ville qu’il connaissait grâce à son métier, il m’en parlait souvent. De fil en aiguilles, on a décidé de quitter le ciel bleu et les moustiques pour le Nord, qu’on aime beaucoup tous les deux. On aurait pu envisager Berlin ou Copenhague, mais la barrière de la langue et le climat n’offraient pas le confort de Bruxelles. Notre fils est né à Montpellier et avait trois ans lors de notre installation, aujourd’hui, il parle couramment belge (rires) ! ». Et le changement de vie est total : Aurélia décide également de quitter son métier et d’ouvrir de nouvelles portes. Après avoir fait un bilan de compétences poussé, il est ressorti que la fibre « enfants/mamans/familles », combinée au sentiment de se sentir utile était la nouvelle voie à suivre pour la jeune femme, qui voulait un travail encore plus concret et en lien avec les gens. Hasard ou signe, en 2017, alors qu’elle n’était pas encore en reconversion professionnelle et n’imaginait pas devenir accompagnante périnatale, elle écrit un guide sur la grossesse, « Les filles, je suis enceinte ! ». Trois ans plus tard, elle terminait sa formation théorique et pratique, « Être doula en Belgique », via l’AFA (Association pour les formations à l’Accompagnement), grâce à laquelle elle est également devenue conseillère en allaitement. Actuellement, Aurélia suit une formation de deux ans à l’EFP pour devenir accueillante d’enfants en crèches. « Être utile, avoir un métier qui fait sens…je suis comblée ! », conclut la jeune femme.
Nouveau souffle, Corinne Troadec
Une prise en charge de toutes les pathologies respiratoires médicales (asthme, allergies respiratoires, infectiologie…) et des programmes thérapeutiques des troubles anxieux par la respiration, c’est ce que propose « Breathe In », la toute nouvelle clinique créée par Corinne Troadec à Etterbeek. Arrivée en Belgique voici onze ans avec son mari et ses trois enfants, cette ancienne cheffe de Clinique des hôpitaux de Paris en pneumologie pédiatrique à l’hôpital Trousseau n’en est pas à sa première innovation. En 2003 déjà, elle montait le CMSEA, premier centre multidisciplinaire pédiatrique à Paris, avec plus de quatorze spécialités, où elle garde une activité libérale et hospitalière. Passionnée par tout ce qui touche à la respiration, elle a complété sa formation par un diplôme d’éducation thérapeutique (IPCEM) et une formation d’hypnose médicale, sans oublier le yoga, qu’elle pratique depuis une vingtaine d’années. « Ce nouveau projet me tenait à cœur depuis longtemps, un tel lieu n’existait pas à Bruxelles. Mes rencontres de différents thérapeutes belges très inspirants, combinées à mon envie de me lancer un nouveau défi professionnel m’ont décidée à franchir le cap. Je me suis entourée de collaborateurs choisis avec soin pour proposer quelque chose de différent ». C’est la nécessité de faire un lien entre une médecine hyper spécialisée et la prise en charge de troubles somatiques par des thérapies dites douces qui s’est imposée à la spécialiste, qui a vu dans Bruxelles une opportunité de décliner ses compétences autrement. « Je garde une consultation régulière à Paris, mais j’avais envie de me diversifier et de sortir de ma zone de confort », explique celle qui se félicite que la Belgique soit ouverte aux médecines alternatives comportementales. « Breathe In » propose un encadrement pointu, cela convainc autant les professionnels que les parents. « Les troubles de la respiration sont à considérer dans leur globalité, en tenant compte aussi des aspects émotionnels ou familiaux. J’aime faire des ponts et mettre les choses en perspective pour une compréhension maximale d’une pathologie ». Une initiative d’autant plus pertinente en pleine pandémie, alors que les troubles de la respiration chez les plus jeunes, liés à l’anxiété et au stress, sont nombreux.
« Breathe In », Clinique de la respiration, 119 boulevard Louis Schmidt, 1040 Etterbeek, site : breathe-in-brussels.com.