Délicieuse campagne anglaise

Vendredi 20 avril 2012 | Texte : Noëlle Bittner

Petites routes serpentines, manoirs et cottages, jardins débridés : balade de printemps dans le Sussex et le Kent à la découverte des maisons d’artistes.

 

À peine avez-vous quitté l’Eurostar à la gare d’Ebbsfl eet posée en plein champ, et pris la direction du Sussex, que la campagne devient un enchantement. D’une petite route à l’autre, toujours plus étroite et sinueuse, bordée de haies ou de murets de pierre moussue, ce ne sont que talus débordants de floeurs de ces longues tiges flexibles aux corolles légères que l’on admire dans les expos de plantes!) que l’on croise. Les arbres se rejoignent en voûte taillée, tout juste, à hauteur de camion. De longs murs d’où dépassent les frondaisons d’essences rares, une grille, une allée mystérieuse annoncent un parc, un manoir souvent démesuré. Un paysage tout en vallonnements, de très vieux chênes dans les prés sous lesquels se rassemblent les moutons et les agneaux nouveaux-nés du printemps, offrent un spectacle charmant. On est dans une toile de Constable ! Tant de verdure enchante et repose. Les villages se succèdent tous plus jolis les uns que les autres.


Wrotham est le premier sur votre route, avec le cottage du bishop, celui du recteur, l’église de pierre grise à la tour carrée, au toit de pierre moussu et la boutique de l’antiquaire. La boutique, son propriétaire et le décor sont assortis et parfois un peu désuets. Qu’importe, c’est l’occasion d’une rencontre pittoresque et de jeter un oeil à l’intérieur de ces charmants cottages. Chacun a son jardin odorant, sa barrière de bois chancelante couvertede roses anciennes ou de glycine parfumée, sa maison d’oiseaux et son arrosoir sur le rebord de la fenêtre. Aux alentours, les champs de blé ondulent sous la brise de mai. On ne voit pas ces zones pavillonnaires qui gâchent l’accès aux plus jolis villages ; les maisons récentes se font discrètes, en brique rouge et s’empressent de s’entourer d’un jardin ! Sur les marches d’un cottage, de petits plants de tomates ou une variété de clématite buissonnante rose ou blanche que l’on voit partout ici. Ils sont pour vous. Une pancarte vous invite à « déposer votre écot dans la boîte ». Plus tard dans la saison, ce seront des bouquets de dahlias ou de pois de senteur qui vous attendent dans un seau. Chacun a fait ses boutures, ses semis, on sent que le jardin est au coeur de la vie. D’ailleurs, quand on s’est perdu, on trouve toujours quelqu’un occupé à jardiner qui vous remet gentiment dans la bonne direction. Chaque village, chaque croisement de route à son pub au nom typiquement anglais, The Bull Inn, Hare and Hounds, The Red Lion, The Intrepid Fox, avec l’ardoise sur chevalet qui annonce le menu, simple et ressemble à une auberge, on s’y sert soi-même au bar avant de porter son plateau sur une de ces longues tables de bois disposées dans une cour à l’arrière, toujours fleurie. On y déjeune sur le pouce, et souvenez-vous : the simpler, the better ! saucisse purée, travers de porc sauce barbecue, grosses frites « hand cut », crumble en dessert.


 Pièges à l’anglaise


• On roule à gauche mais la priorité est à droite.
• Les roundabout, les rond-points, sont nés ici et il y en a partout.
• Dans les villages, les voitures sont souvent curieusement garées, empiétant largement sur la chaussée. Dangereux, surtout la nuit.
• Les routes sont très étroites et le plus souvent sans bas-côtés, pas d’échappatoire ! La signalisation est sporadique. On découvre souvent le nom du village grâce à la vitrine du quincailler qui l’a accolé au sien. Venir avec sa voiture permet de dévaliser les antiquaires et les nurseries (pépiniéristes), mais on prend plus facilement le réflexe de rouler à gauche avec une voiture anglaise, volant à droite.



 

On est dimanche ?


Vous avez toutes les chances de tomber sur un match de cricket sur la grande pelouse au centre du village, avec les joueurs, en blanc, très années 30. Au détour de la campagne, une grosse ferme avec des tours chapeautées d’un cône de zinc pointu. Ce sont les séchoirs à houblon et certains offrent des chambres d’hôtes. Les célèbres Bed&Breakfast se trouvent partout, on les repère à leur enseigne. Il y a aussi les hôtels design, comme The George à Rye où de son lit on entend voler les mouettes et pour un séjour d’exception, les manoirs et châteaux comme Gravetye Manor, où l’on vit une tranche de vie à l’anglaise, immuable comme dans le film de James Ivory, Remains of the day, « Les Vestiges du jour ». Les panneaux marrons indiquent toujours quelque chose qui mérite le détour. Un village ou un jardin remarquable,une petite ville historique, comme Rye ou Hastings, la maison d’un écrivain (plus souvent manoir que cottage,) avec un parc magnifique et des étudiants férus de littérature pour vous accompagner dans votre visite. Suivez-les et prenez le chemin des écoliers, vous ne le regretterez pas. Nous vous avons préparé deux programmes que nous avons expérimentés. Choisissez selon vos affinités et le temps dont vous disposez.


 

Escapade jardinière et littéraire


Littérature et jardins vont souvent de pair, car les manoirs de nos écrivains rivalisent de beaux jardins et les beaux jardins de manoirs ! Dès avril, événements et ateliers se succèdent. Avec un peu de chance, vous pourrez participer à un atelier sur l’art de fleurir la table ou diviser les herbacées (comme c’est très visuel, pas de problème de langue). à la terrasse du salon de thé, on picore une salade et une pie en profitant de la jolie vue et du parfum des fleurs. La boutique est une mine d’accessoires très british, des sacs en toile fleurie, aux belles étiquettes pour les plantes.Très romantique, Pashley Manor offre un joli parcours vallonné, semé d’étangs et de statues invitées en résidence. Il est la propriété de Sir James Sellick, dont vous croiserez peut-être la haute silhouette en conversation avec Keith Boylett, son maître jardinier.

La saison ouvre avec le Tulip Festival, fin avril, où paradent plus de vingt mille tulipes, suivi en juin du Special Rose Week-end. Sympathique, le Garden Room Café avec sa terrasse et sa verrière où l’on se réfugie si l’averse menace. Great Dixter est la propriété familiale du grand paysagiste Christopher Lloyd, aujourd’hui disparu. C’est un jardin expérimental, fourmillant de lieux et d’atmosphères, topiaires, prairie fleurie, mixed borders et un luxuriant jardin exotique. On chemine d’un jardin à l’autre entre les bâtiments médiévaux à colombages et balcons de bois sculptés. Une partie de la maison (qui se visite) a été restaurée et agrandie dans le style Arts and Crafts par Sir Edward Lutyens.

Aimez-vous Virginia Woolf ? Monk’s House est la dernière maison de l’écrivain, non loin de la rivière Ouse où elle se noya. Modeste, la maison garde l’empreinte de l’écrivain, mais plus encore la cabane sous le vieux pommier, son rêvoir où elle écrivait et le petit jardin, florissant, échevelé et délicieux. Bateman’s, c’est le royaume de Rudyard Kipling. Imposante de l’extérieur, la maison XVIIe où il vécut de 1902 à 1936 se visite de son bureau jusqu’aux écuries où stationne encore sa Rolls. Le jardin, très vert avec verger, tonnelle de poiriers et roseraie, est entouré de prairies où les visiteurs déploient leur piquenique au premier soleil. Lamb House, au coeur de Rye, fut la résidence d’Henry James vers la fi n de sa vie. C’est l’occasion d’entrer dans une maison de ville en briques, typique de l’époque géorgienne. Elle est aujourd’hui habitée, mais le rez-de-chaussée et le petit jardin se visitent.


Chocs artistiques


Voici trois découvertes si originales, et pour les deux premières si intimes que vous n’oublierez pas ces rencontres. Il ne s’agit pas de découvrir des oeuvres sur des cimaises mais de pénétrer dans la maison de défricheurs d’un mouvement artistique. à la rencontre du mouvement Bloomsbury, voici Charleston, une charmante ferme au toit de tuiles rousses et au jardin clos. à l’intérieur, c’est une euphorie décorative. Pas un petit coin de mur ou de porte qui ne soit peint de motifs très colorés et originaux dans l’esprit Art déco. On croit les murs tapissés de papier peint, ils sont peints à la main. Comme les encadrements de porte, la commode, le fauteuil, la cheminée, jusqu’à l’entourage de la baignoire, tout est peint, tapissé, brodé, décoré par les artistes qui y ont vécu en communauté à partir de 1916.


Vanessa Bell et Duncan Grant y reçoivent leurs amis peintres, poètes, écrivains, hippies avant l’heure et rebelles à leur époque corsetée. Le jardin est tel qu’ils l’ont dessiné, très fleuri et plein de fantaisie. On saute trente ans et quelques miles, à Farley Farm House, les murs vous racontent une autre aventure. Dans ce manoir en pleine campagne, se réunissaient autour de Roland Penrose, avant-gardiste du mouvement surréaliste et de sa femme, la photographe Lee Miller, ceux qui deviendront les fi gures de l’art du XXe siècle. Picasso venait ici en vacances. Paul Éluard, Man Ray, Max Ernst et Joan Miró partageaient une vie de bohème entre corvée d’épluchages à la cuisine et siestes au jardin. Le fi ls de Lee Miller et d’Arthur Penrose, Antony Penrose nous raconte que, petit garçon, il grimpait sur les genoux de Picasso et un jour, lui mordit l’oreille qu’il avait longue. De pièce en pièce se révèlent les correspondances entre ces artistes et certaines de leurs oeuvres les plus intimes. On fait volte face avec le De La Warr Pavilion, réalisation moderniste des années 30, posée sur la plage de la station balnéaire victorienne de Bexhill on Sea. Avec ses courbes d’un blanc éclatant rehaussées de ferronneries noires, ses galeries d’exposition baignées de lumière et ses larges terrasses, c’est un lieu qui vous remplit de joie.


Carnet Pratique


Quand partir ? 

 


En mai et juin, on a l’impression que le végétal a priorité sur la route ! On roule dans des tunnels de verdure. L’alternance soleilombre est très forte. C’est idéal pour les jardins. On n’ose imaginer ces routes et ces visites de jardin en période de vacances d’été ! Si vous explorez l’est du Sussex, d’East Grinstead au nord à Bexhill sur la mer, il n’y a pas plus d’une quarantaine de miles, les distances sont courtes mais les trajets sont longs. Indispensable, une carte détaillée : AZ Surrey East Sussex West Sussex (disponible à la station service)

 

Y aller ?


- Eurostar propose jusqu’à 4 trains par jour pour la gare d’Ebbsfl eet (à l’est de Dartford). A partir de 88 l’aller-retour en Standard.
Site : eurostar.com.

- En sortant avec votre voiture de location (c’est mal indiqué), prendre à gauche, puis à droite, la A227 vers Tonbridge. 

Visit Britain Belgique, site : visitbritain.be.
Tourisme Sussex, site :visit1066country.com et sussextourism.org.uk. 
Tourisme Kent, site :visitkent.co.uk.


À visiter


On visite les jardins d’avril à septembre ou octobre. Pashley Manor, (la maison ne se visite pas), Ticehurst, Near Wadhurst, (sur la B2099, entre la A21 et Ticehurst), tél : +44 (0)1580 200888, site : pashleymanorgardens.
Great Dixter, attention, si les jardins ouvrent dès le matin, la maison ne se visite que l’après-midi, Northiam, Rye (un demi mile aunord de Northiam), tél : +44 (0)1797 252878, site : greatdixter.co.uk.

Groombridge, où fut tourné « Meutres dans un jardin anglais » est proche de Tonbridge Wells, à la frontière du Kent, tél : +44(0)1892 861444,
site : groombridge.co.uk.

Bateman’s, maison et jardin de Rudyard Kipling, ouvert toute l’année. Bateman’s Lane, Burwash,Etchingham, tél : +44 (0)1435882302, site : nationaltrust.org.uk/batemans.

Monk’s House, dernière maison de Virginia Woolf, privée, visites d’avril à octobre, l’après midi. Au coeur du village de Rodmell, Lewes, tél : +44 (0)1372 453401.

Lamb House, maison d’Henry James à Rye, West street, sur rendez- vous : visitrye.co.uk.


Sissinghurst, demeure de l’écrivain Vita Sackville-West et Knole où elle passa son enfance, ces lieux réputés pour leur magnifi cence méritent un détour dans le Kent tout proche, le premier pour son jardin composé de « chambres à thème », le second pour la démesure de cette demeure seigneuriale de 365 pièces, site : nationaltrust.org.uk.

Charleston, expression du mouvement Bloomsbury, ouvert à partir de 13h du 31 mars au 31 octobre. On entre par très petits groupes. Prendre tout de suite son billet à la boutique et attendre que l’on vous appelle en musardant dans le jardin. Charleston, sur l’A27, à l’est de Lewes, tél : +44(0)1323 811626, site : charleston. org.uk.

Farley Farm House, la maison des surréalistes ouvre d’avril à octobre. Farley Farm House, Muddles Green, Chiddingly. Pour s’inscrire à la visite conduite par Antony Penrose, trois heures suivies d’un thé, tél : +44(0)1825 872 856, mail : tours@leemiller.co.uk.
 

De La Warr Pavilion, jusqu’au 16 juin John Cage, à partir du 24 septembre, Andy Warhol et toujours plusieurs artistes à découvrir. Café Bar design face à la mer et Brasserie aux assiettes de première fraîcheur (autour de 12 £). Garder un peu de temps pour la librairie d’art. Marina, Bexhill on Sea, tél : +44 (0)1424 229111,
site : dlwp.com.

Les plus jolis villages de l’East Sussex, sur le site : lewes.gov.uk/business/1499.asp.


Se restaurer
 

 

The Cricketers’Arms, ravissant pub, grandes tables dans le jardin, garlic bread au cheddar, 4,50 £, copieuse assiette composée 9,95 £ Berwick, près de l’A27, non loin de Charleston.


The Leicester Arms, pub soupe du jour 4,95 £ curry 10,95 £, High Street, Penshurst, Kent. Tél : +44(0)1892 870551.

The George, pour un très joli dîner dans une ambiance simple et chic :crab cake de première fraîcheur, agneau sous la mère au feu de bois, Shortbread à la crème double et aux fraises (repas autour de 30 £), 98 High Street, Rye, tél : +44(0)1797 224065.





Se loger


Gravetye Manor, demeure élisabéthaine bâtie en 1598, est entourée d’un parc soigné et fleuri. Ses récentes restaurations n’ont pas altéré l’atmosphère de ses salons aux opulents fauteuils, avec écritoire, boiseries, cheminée (on dîne devant le feu dans une débauche d’argenterie). Chambres vastes et très cosy. Pour une immersion au coeur de l’Angleterre traditionnelle. Chambre double à partir de 240 £. à 35 min de la gare d’Ebbsfleet, entre East Grinstead et Turners Hill, sur la B2110, tél : +44(0)1342 810567 et par les Relais&Chateaux, site : gravetyemanor.co.uk.


The George in Rye, au coeur de la ville historique, est aménagé dans d’anciennes remises. Ses corridors labyrinthes ouvrent sur des chambres étonnamment vastes avec lit à baldaquin (somptueuxdraps Frette). La déco est éclectique et tout à fait réussie. 98 High Street, Rye, tél : +44(0)1797 222114, site : hegeorgeinrye.com.

Coast B&B, près de la mer, 3 chambres à partir de 70 £ dans une maison edwardienne laquée de blanc. 58 Sea Road, Bexhill-on-Sea, tél : +44(0)1424 225260, site : coastbexhill.co.uk.

Manor Farm Oast, 3 chambres aménagées dans les tours de cet ancien séchoir à houblon, 99 £ avec un petit-déjeuner qui est un vrai repas. Windmill Lane, Icklesham, dans la campagne non loin de Rye, tél : +44(0)1424 813787, site : manorfarmoast.co.uk.

Strand House, une dizaine de chambres de 70 à 130 £ au coeur d’un manoir Tudor à colombages où l’on est fier de ses traditions, mobilier Tudor et afternoon tea servi chaque après-midi. Tanyards Lane, dans le village de Winchelsea, tel : +44(0)1797 226276, site : thestrandhouse.co.uk

 

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